On éprouve un grand respect pour tous ceux, sociologues, ethnologues, logues de toutes sortes qui ont bien voulu, depuis des mois, donner leur avis sur la burqa. Rarement, pièce d’étoffe aura suscité autant de craintes et de commentaires. On en comprend bien sûr la raison : ce n’est pas la même chose de porter une modeste kipa sur la tête ou d’arborer, en rasant les murs, un minuscule crucifix au revers du veston. La vieille République laïque n’en revient pas d’être à ce point en quelque sorte provoquée sur le terrain sacro-saint de ses principes. Avec d’autant plus de fureur que l’on cherche en vain à quoi correspond, dans la riche tradition spirituelle de l’Islam, une telle prétendue obligation. C’est un peu comme si une minuscule tribu de quakers obstinée au port de la sandale en peau de bison faisait la loi au pays tout entier. Il y a là un effet de contraste proprement hallucinant : nous sommes sidérés au sens propre par quelque chose qui ne mérite pas d’exercer un tel pouvoir de fascination.
Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a curieusement observé à ce sujet qu’il ne redoutait rien tant que la burqa devienne à la mode. Bien entendu, c’est au contraire ce que l’on peut espérer de mieux : qu’elle devienne à la mode pour connaître, le plus tôt sera le mieux, le sort fatal de tout ce qui a été à la mode un jour.
On voit aujourd’hui dans les rues d’Istanbul des jeunes filles, copines entre elles, déambuler qui en burqa, qui en mini-jupe. Quoique la mini-jupe ait notre faveur, on ne voit rien à redire à cette mosaïque qui traduit des choix, peut-être des convictions, tout cela au vent d’une modernité qui est partout, comme le sable du désert au plus profond des valises les mieux fermées. Paris pourrait bien s’istanbouliser un peu, cela ne lui ferait pas de mal, la vie nocturne parisienne étant devenue si triste. Et gageons que dans six mois, les mêmes qui en rajoutent dans le geste radical, trouveront soudain du charme à la chère mini-jupe. Allons, un peu de patience.
En réalité, la hantise d’adopter une loi contre le port de burqa, outre qu’elle est inapplicable (on imagine la scène dans l’autobus : la jeune fille sommée d’ôter sa burqa sous la menace du contrôleur), trahit une peur accablante. Cette peur s’affuble d’indignation devant le mépris de la femme que traduirait ledit voile : mais qu’objecter aux jeunes femmes qui le revendiquent, y voient au contraire une façon d’être libre ? Quoi ? Un petit voile de rien du tout ferait trembler deux siècles de tradition républicaine ? Quel aveu ! Quelle fragilité ! En réalité, il ne faut pas craindre de le répéter haut et fort : cette affaire de burqa n’ a AUCUNE IMPORTANCE. Nous assistons à la formation d’un cyclone irréel, artificiel, gonflé de nos craintes, de nos fantasmes. Pitié, un peu de raison tranquille !
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La burqa n'a aucune importance
Publié le 5 février 2010 à 17:36
Michel Crepu, rédacteur-en-chef de la Revue des Deux Mondes, nous livre son point de vue sur le débat autour de la burqa, ce voile intégral dont le port sera bientôt interdit dans les services publics.
La burqa n'a aucune importance© Xavier Richer/Photononstop
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