Les clichés ont la peau dure : les enfants n’aimeraient pas les épinards, détesteraient les choux de Bruxelles, haïraient le poisson et abhorreraient les fruits de mer. En revanche, les frites, les pâtes, les steaks hachés et le chocolat, aucun problème. Pourtant, si ces préférences pour certains aliments dépendent de chacun, les enfants ont dès l’enfance leurs petits goûts personnels. Il est du devoir des parents de les accompagner dans la découverte du goût, à travers différentes étapes, comme la préparation des repas ou les courses au marché et en grande surface. Il est également important d’apprendre à varier les plaisirs…
Cette éducation au goût se fait dès la petite enfance. Si certains aliments ne peuvent pas être consommés par un bébé, il existe bien d’autres saveurs à leur faire découvrir. Pour Gilbert Luszezinski, chef cuisinier, l’éducation au goût passe forcément par une diversification. Pendant les premiers mois de votre enfant, il acceptera de goûter à tout, la néophobie alimentaire n’apparaissant que vers l’âge de deux ou trois ans. Pour Jean-Michel Borys, nutritionniste, c’est un stade on ne peut plus normal « où l’enfant a peur de ce qu’il ne connaît pas ». C’est le début d’une période charnière, où l’enfant façonne ses goûts, mais essaye également de trouver du contrôle à travers le « non » devant certains aliments. C’est à ce moment-là que des efforts doivent être faits, pour l’encourager à la curiosité.
Même si ce n’est pas toujours aisé, il est important d’impliquer au maximum son enfant dans les tâches relatives à la cuisine. Lors des courses, montrez-lui les fruits et légumes, apprenez-lui leur saisonnalité. Lors de la préparation des repas ensuite : « il faut leur montrer comment un produit est travaillé de A à Z », explique Gilbert Luszezinski, « pour voir la différence entre le produit brut et le produit final ». Pour le chef, il s’agit avant tout d’expliquer à l’enfant « que l’assiette devant lui n’est pas toute faite, que les parents ont passé du temps à faire un repas ». Une étape indispensable au respect du travail fourni, et de la nourriture. Et surtout, une étape nécessaire pour que vos petits ne comptent pas parmi le tiers d’enfants qui ne savent pas reconnaître une courgette, ou ceux qui ignorent d’où vient une tranche de jambon.
Si, en semaine, le temps manque pour associer votre enfant au processus de préparation, profitez d’un week-end pour faire un atelier cuisine parent-enfant, comme ceux proposés par l’Atelier des Chefs. Gilbert Luszezinski estime qu’ils apportent « le plaisir de préparer », mais aussi, ensuite, le plaisir de pouvoir refaire la recette apprise.
En offrant à son enfant une alimentation variée, c’est toute une palette de goûts, de textures et de couleurs qu’on lui apprend à aimer. Le croquant frais d’un poivron, l’amertume d’un pamplemousse, la couleur des épices, la saveur des herbes aromatiques… Autant de découvertes qui, même s’il n’apprécie pas tout d’emblée, élargiront ses goûts. La préparation influe aussi : faites-lui découvrir comment un même aliment peut être nuancé. Une pomme de terre par exemple, déclinée en frite, en écrasé, en mousseline, en salade, rissolées… Ou même une tomate, en coulis, farcie, en gazpacho etc. Et s’il n’apprécie pas un aliment ou un plat, demandez-lui d’expliciter son refus au lieu de vous contenter d’un « je n’aime pas » : « ça pique », « c’est mou », « c’est pas beau », histoire de savoir si c'est réellement une histoire de goût. À savoir également : le goût de l’enfant se façonne dès la grossesse de la mère, et pendant l’allaitement. Jean-Michel Borys explique que si celle-ci a consommé des produits riches en goût (ail, épices…), l’enfant sera moins « difficile ».
S’il est important de ne pas forcer l’enfant à finir quelque chose qu’il n’aime pas, il faut également veiller à ne pas être trop laxiste en le laissant gagner du terrain et dicter ses menus. Jean-Michel Borys insiste : il ne faut pas entrer dans des rapports de force avec l’alimentation. Un plat ne doit pas être une récompense, et lui ne doit pas chercher à « punir » en refusant autre chose. C’est à vous de redoubler d’ingéniosité pour lui faire manger de tout. Gilbert Lusczezinski conseille par exemple, si un enfant aime les pâtes mais pas les légumes, d’accompagner des penne ou autre spaghetti d’une sauce aux légumes fraîchement préparée par vos soins : est-il toujours rebuté par les aubergines et les courgettes, une fois fondantes, confites et finement mixées ? « Pour le poisson, pourquoi ne pas essayer d’en faire des croquettes maison ou un parmentier à la purée de pomme de terre ?
Il est impératif de faire preuve de patience, comme le souligne Jean-Michel Borys : « en général, il faudra présenter un aliment sept fois à un enfant au stade de la néophobie avant qu’il ne l’accepte. Lors de cette réappropriation progressive, le mode de présentation joue beaucoup.