Rien à voir avec le super jackpot -169 millions d’euros- qu’un super veinard (français) a remporté mardi soir. Pour une jeune maman, le jackpot c’est de recevoir une lettre lui annonçant qu’elle aura une place en crèche pour son bébé. Elle sait alors qu’elle vient de décrocher le gros lot en laissant une longue liste d’attente sur le carreau. L’angle choisi par Osez le féminisme pour sa dernière campagne a le mérite de poser très clairement le problème des modes de garde des enfants de moins de trois ans. Si vous êtes jeune maman, vous avez une chance sur deux de devenir aussi la nounou de votre enfant, mais un peu plus d’une chance sur dix d’obtenir le sésame : la place en crèche.
Le spot de la campagne « Qui va garder les enfants ? »
À la lumière de chiffres parus en début de semaine (Observatoire de la petite enfance, rapport 2011), on peut estimer qu’un peu plus de la moitié des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents, et même à 94% par les mamans, puisque ce sont elles qui prennent le congé parental. Évidemment, il faut considérer et respecter dans cette proportion le choix volontaire de celles qui prennent un congé parental ou s’arrêtent de travailler pour se consacrer à leur(s) enfant(s). Mais combien se retrouvent acculées à la décision de s’arrêter parce qu’elles n’ont pas trouvé de crèche et que la nounou leur coûterait plus que leur salaire ? « Ce que nous voulons démontrer, c’est que l’articulation vie professionnelle et vie familiale repose encore sur les femmes, et c’est toujours leur carrière à elles qui est mise sur pause ou ralentie par une naissance », explique Julie Muret, porte-parole d’OLF, qui ajoute que « 40% des femmes voient leur situation professionnelle modifiée après l’arrivée d’un enfant, contre 6% des hommes ».
Autant de briques qui s’entassent pour renforcer structurellement les inégalités hommes-femmes. À travail égal, elles gagnent déjà 27% de moins en moyenne que les hommes, présentent plus d’interruptions de carrière non prises en compte dans le calcul de la retraite, et se retrouvent plus facilement fragilisées dans des postes précaires. Pourtant, l’augmentation et la paupérisation des familles monoparentales (composées pour 84% d’entre elles d’une mère avec enfants) rend d’autant plus nécessaire le travail des femmes.
« Alors que la société devrait soutenir l’activité des femmes, tout se passe comme si on n’avait pas intégré le fait que 80% des femmes travaillent et que c’est bon pour notre économie », s’indigne la porte-parole féministe. Y aurait-il une part de mauvaise volonté de la classe politique française à œuvrer concrètement pour encourager les femmes à travailler ? « Puisqu’on promet de remettre la jeunesse au centre, en mettant le paquet sur l’école, pourquoi la petite enfance ne serait-elle pas concernée ? », s’interroge J. Muret.
Le collectif OLF ne se prive pas de rappeler à François Hollande ses promesses de campagne : une pétition est ainsi lancée sur le site quivagarderlesenfants pour la création effective de 500 000 places en crèche, pour que 25% des enfants de moins de trois ans soient accueillis en crèche d’ici cinq ans (contre 15% aujourd’hui). Un rappel à l’ordre qui tombe à pic, alors que la ministre de la Famille Dominique Bertinotti annonce tout juste une série de consultations sur le sujet dans quatre régions (dans les Midi-Pyrénées, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais et dans les Pays-de-la-Loire) auprès des parents, professionnels et élus. Une fausse bonne nouvelle qui fait grincer des dents les féministes : « Il n’est plus temps de consulter, mais d’agir ! »
Pour le dire, elles prévoient d’investir le prochain congrès des maires qui aura lieu le 19 novembre. Histoire de rappeler que les gros classeurs de listes d’attente pour les places en crèche pourrissent toujours l’ambiance au conseil municipal.
Crédit photo : OLF/Pixland
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