Dès les premières heures du débat à l'Assemblée nationale de la loi sur le mariage pour tous, l'opposition a trouvé de quoi semer la zizanie dans l'hémicycle. En cause, une circulaire qui, sur le papier, n'a rien à voir avec le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels. Envoyée le 25 janvier par la chancellerie à tous les tribunaux, celle-ci leur demande de ne plus refuser l'attribution du CNF -Certificat de nationalité française- aux enfants nés de mères porteuses à l'étranger. Les députés UMP y ont vu un premier pas significatif vers la reconnaissance des enfants nés sous GPA -gestation pour autrui-, et de fait une reconnaissance implicite du principe de la GPA. Vrai ou faux ?
Interdite en France depuis 1991 et retoquée encore lors de la révision des lois bioéthiques de 2011, la gestation pour autrui n'en est pas moins autorisée dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, la Roumanie, l'Ukraine ou le Canada. Pour les couples français hétérosexuels ou homosexuels qui décident d'avoir recours à une mère porteuse à l'étranger, les difficultés commencent au moment de passer la frontière française. Les parents ne disposant que d'actes de naissance de pays étrangers, la France refuse encore de transcrire ceux-ci dans le registre d'état civil français. Résultat, ces enfants sont des étrangers en France.
La circulaire Taubira change légèrement la donne. Même si elle ne revient pas sur la transcription de l'état civil des enfants. « Certaines de nos juridictions distribuent sans difficulté le Certificat de nationalité française (CNF), qui n'est pas une « attribution » de nationalité mais une « attestation » de nationalité », a expliqué la Garde des Sceaux au micro de BFM TV, « Il y a des tribunaux qui ne le faisaient pas, alors que ces enfants étant français, ils ont droit à leur CNF ». En effet, selon une Convention internationale inégalement appliquée en France, tout enfant né d'au moins un parent français a droit à la nationalité française. « Ce n'est ni plus ni moins qu'une application de la loi », rappelle Sylvie Mennesson, fondatrice de l'association CLARA (Comité de soutien pour la légalisation de la GPA et l'aide à la reproduction assistée), et mère de jumelles nées en Californie de mères porteuses.
Pour cette mère de famille engagée depuis treize ans dans une bataille judicaire pour faire reconnaître les droits de ses filles, cette circulaire est un « premier pas vers la reconnaissance des enfants nés sous GPA. » Le CNF permet à ces enfants d'obtenir un passeport français et une carte d'identité. Papiers que ses filles n'ont toujours pas. « Certains parents ont réussi à l'obtenir, c'était laissé à l'appréciation de la mairie locale ». Pour autant la victoire est loin d'être acquise, « reste à faire inscrire les actes de naissance dans le registre d'état civil, les papiers d'identité sont individuels, ils ne disent pas qui sont vos parents. Pour de nombreuses démarches on vous demande un acte de naissance, un livret de famille ou un certificat d'accouchement », regrette S. Mennesson. Celle-ci souligne en outre l'ambiguïté induite par l'octroi d'un certificat de nationalité, celui-ci est fondé sur la nationalité française d'au moins un des parents, « donc on reconnaît qu'il a des parents français, mais on ne reconnaît pas vraiment que ce sont ses parents. » Le casse-tête ne fait que commencer...
Si selon les propos de Christiane Taubira, une quarantaine de familles à peine seraient concernées par la demande de CNF, l'association CLARA avance à elle seule le chiffre d'une centaine de naissances sous GPA par an. « Cette circulaire va permettre de dévoiler l'ampleur du problème, et rien que pour cela, c'est une très bonne chose », se réjouit Sylvie, qui attend de pied ferme l'ouverture d'une vraie discussion sur la GPA promise dans le cadre de la loi sur la Famille le 27 mars.
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