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Les femmes, les mères, l'école : mots de collégiens par Marie Desplechin
Publié le 2 février 2013 à 09:29
Par Marie-Laure Makouke
Âgés de 14 à 16 ans, Clémentine, Nessim et Jemila sont tous trois issus d'un milieu modeste et fréquentent un collège dit « de quartier » de la banlieue lilloise. Ils font partie des 34 adolescents qui partagent leur vision du monde dans « La Classe » de Marie Desplechin, récemment paru chez Odile Jacob. À travers ce recueil d’autoportraits imparfaits et à la syntaxe approximative, ils racontent la société, la politique, la famille ou encore leurs rêves avec un regard à la fois grave, touchant et déroutant. Morceaux choisis.
Les femmes, les mères, l'école : mots de collégiens par Marie Desplechin Les femmes, les mères, l'école : mots de collégiens par Marie Desplechin© Abaca
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Le collège et les profs

« Je n’aime pas trop l’école. C’est les profs, ils m’agressent. Même quand ce n’est pas moi ! Du coup, quand je n’aime pas les cours, je fais semblant de m’endormir. Sauf pour le français. J’aime bien le français, parce que la prof, elle explique bien. Pour les devoirs et tout, c’est mon oncle qui me fait travailler. Il vient deux fois par semaine et il me fait travailler sur mes cahiers de brouillon. Mais je n’aime pas lire. » (Abibatou)

« Au collège, je m’entends bien avec les profs, même si mes notes ne sont pas terribles. Pourtant, je me suis amélioré depuis que j’ai changé de collège. Je suis passé de six de moyenne à dix. Mais ça dépend des matières. Je n’aime pas trop l’espagnol, mais le prof ne nous fait pas trop chier, ça aide. J’aime aussi l’histoire-géo, j’ai bien réussi au brevet blanc. Ma matière favorite, c’est le sport. J’aime le sport ». (Brandon)

L’orientation professionnelle

« Plus tard, j’imagine travailler. Quand j’étais en quatrième, je voulais travailler avec les petits, genre puéricultrice. J’ai fait un stage au centre social. C’était dans une crèche et j’ai trouvé ça nul. Les petits jouaient, les animatrices restaient assises par terre à s’occuper d’eux et moi je m’ennuyais. Cette année, je devais faire le stage dans une école mais ma mère m’a dit : "Tu écris vite sur l’ordinateur, pourquoi pas secrétaire ?" Du coup, je me suis intéressée aux études de secrétaire : il faut un bac pro et je visais deux ans après le bac. J’ai fait mon stage de troisième chez mon médecin, avec sa secrétaire et ça ne m’a pas plu. Trop de classements de papier. Donc pour finir, je veux faire un CAP coiffure. » (Clémentine)

La politique

« La politique, comme ma mère, je m’en fous. Ce n’est que des gens qui disent qu’ils changeront les choses et qui ne changent rien. Sûrement parce qu’ils ne peuvent pas. Je ne sais pas si j’irais voter plus tard. J'irai peut-être s'il y a quelqu’un qui semble capable de changer les choses. Pour le moment, il n’y a personne. Et je ne suis pas en train de répéter le discours de ma mère ! C’est mon opinion. »

Les révolutions arabes

« La révolution, c’est mal. Enfin, d’un côté oui et d’un côté non. Moi, je ne suis pas trop guerrière ! La Libye, c’était une boucherie. J’ai vu des images quand j’étais en vacances. Ils en diffusaient sur Al Jazeera. Les gens ont eu raison de le tuer. Au Maroc, ce n’est pas pareil parce qu’il y a un roi. Il n’y a personne qui n’aime pas les rois. Enfin, dans ma famille. Le Maroc c’est le Maroc. Je ne verrais pas le Maroc avec un président ou la France avec un roi. Quand tu es Algérien, ce n’est pas pareil. Il ne faut pas faire un pet de travers, pas parler. » (Jemila)

Le déracinement

« On était plus heureux que maintenant. Je ne m’en rappelle pas vraiment, mais parfois, des choses me reviennent. Je suis partie de Turquie quand j’avais cinq ans. Mes parents travaillaient dans un champ de coton. Sambayat, ça s’appelait là où on habitait. C’était dans le Sud-Est, je crois. On habitait tous ensemble, ça, je m’en souviens. Ma sœur, mes parents et ma grand-mère. On avait un jardin avec un canapé et, avec ma sœur, on regardait les nuages passer en été. Et puis, je voyais tous mes cousins rentrer du lycée et je leur courais dessus. C’était bien. Je ne sais pas vraiment pourquoi on est parti. Enfin, si, en fait, c’était pour des raisons économiques. Ici, on a une plus grande maison, mais ce n’est pas la même ambiance. C’est comme si là-bas c’était le soleil et ici le gris. » (Aleyna)

Ma mère, ce héros

Ma mère « elle a un fort caractère. La preuve dans ce qu’elle veut entreprendre aujourd’hui. Elle veut travailler ! Elle n’a jamais eu l’occasion d’être une salariée mais travailler, ça, elle l’a fait toute sa vie. (…) Comme beaucoup de mères, elle a accompli un grand travail, celui de nous éduquer. Nous éduquer ça veut dire nous nourrir, nous soigner, nous habiller mais aussi nous soutenir pour l’école, nous donner les armes pour vivre en société. (…) Là, elle veut entreprendre un travail d’assistante sociale. J’avoue que j’ai un peu peur que ça fasse beaucoup pour elle. Elle est déjà fatiguée avec ce qu’elle fait aujourd’hui. Mais ça a l’air important pour elle. Prendre un travail, ça veut dire avoir plus d’indépendance, pouvoir s’acheter ce qu’elle veut grâce à son propre salaire. »  (Malika)

« Ma mère est une femme forte, intelligente et qui n’a rien perdu de sa beauté. Elle s’est battue pour moi. Je suis arrivée en France avec elle quand j’avais quatre ans. Mon père nous a rejointes quelques années plus tard. Ma mère est ma mère, et sa vie m’est plus chère que la mienne. » (Hind)

L’image de la femme

« À la télé, je regarde Direct 8 pour les clips. Même si parfois, les clips, ça m’énerve. Ça me choque ces filles qui provoquent, qui sont presque nues et qui n’ont trouvé que ça pour vendre des albums. Quelle vision de la femme ça donne ? Les filles ce n’est pas que ça. Ce n’est pas ça. Moi je ne pense pas qu’il y ait tant de différences que ça entre les garçons et les filles. On l’oublie trop souvent. C’est comme quand on joue au foot en cours de sport. Les garçons ne veulent jamais jouer avec nous, les filles. C’est dommage. J’aime bien jouer au foot, mais on ne m’en laisse pas beaucoup l’occasion. Parce que c’est un truc de garçon. » (Lucile)

L’avenir familial

« À trente ans, j’espère avoir une famille et des enfants. Trois ou quatre. Mais d’abord, il faut que je me marie. Vraiment, j’aimerais avoir une famille nombreuse. C’est que du bonheur. C’est une fierté même. Si j’ai d’abord une fille, j’essaierai rapidement d’avoir un autre enfant, un garçon. C’est logique : il faut un grand frère pour la protéger. Et si j’ai d’abord un garçon, je prendrai plus mon temps. Enfin, quoi qu’il arrive, il faut pouvoir assumer tout ça. Être marié, avoir une maison et surtout de l’argent. » (Nessim)

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