« Quand on se sépare en fait, c'est quand même un grand chamboulement dans sa vie. On revoit tous ses repères. Mais ce n'est pas parce qu'on a deux enfants qu'on est forcément tout le week-end à la maison, à ne rien faire ». Cette confession, c'est la nouvelle pub Meetic qui la livre, à travers la voix de Stéphanie, 25 ans, « assistante de direction (et) maman solo de deux enfants ». Les trentenaires divorcées, nouvelle cible des géants des rencontres en ligne ? Il semblerait en effet que ces derniers ne s'y soient pas trompés en s'adressant à ce nouveau créneau des jeunes femmes qui, après une séparation, sont prêtes à ouvrir les portes d'une nouvelle vie de couple. Car les trente ans et plus rivalisent de plus en plus avec leurs aînés sur les bancs des cabinets d'avocats spécialistes du divorce. « Au départ, les divorces concernaient plutôt les quadragénaires. Mais on assiste désormais à une accélération des séparations des couples plus jeunes », observe Serge Guérin, sociologue*. Entrées dans la vie active, souvent mamans, ces jeunes femmes passent un cap à la trentaine et n'hésitent plus à laisser derrière elles leur mari, qui s'avère ne pas être finalement l'homme de leur vie.
« J'ai rencontré Robin quand j'avais 21 ans, il avait le même âge que moi. Nous avons eu notre petite fille à 28 ans. Et puis il y a un peu plus de 6 mois, on a décidé de se marier. Pour au final se rendre compte qu'on ne s'aimait plus », raconte Mathilde, 30 ans. Une rupture plus tard, Mathilde se retrouve maman célibataire. Sophie, 32 ans, a elle aussi divorcé l'année de ses 30 ans, malgré son éducation religieuse « très stricte » et sa certitude de s'être mariée « pour la vie ». Une fois le choc et la douleur de la séparation passés, toutes les deux parlent d'un « virage » dans leur vie. « J'ai pris conscience de certaines erreurs sur mon couple, sur la façon aussi dont je faisais tout tourner autour de ma fille. J'apprends désormais à jongler entre tous les rôles, de mère, de femme, de working girl… », confie Mathilde, qui se réjouit par ailleurs d'avoir préservé une relation « géniale » avec son ex. « Aujourd'hui, le divorce n'est pas nécessairement un drame. Même si c'est douloureux, le couple est passé en CDD, on sait qu'on aura le temps de reconstruire une autre histoire de couple », commente Serge Guérin. Et finalement, la première relation longue ferait office de « période d'essai dans la vie de pré-adulte ». Non pas que la fin d'une histoire d'amour à 30 ans soit moins cause de souffrances, mais le couple a eu moins de temps pour construire un passé commun. « À 30 ans, on est encore dans une instabilité professionnelle, sociale, amoureuse, qui rend le divorce souvent moins difficile, en pratique tout du moins », souligne M. Guérin. Même si, tempère-il, il faut pouvoir assurer financièrement une rupture et le fait de s'assumer seule. « On parle-là plutôt d'un phénomène très typique des grandes villes, et de personnes au niveau socio culturel élevé », précise-t-il.
C'est alors l'heure du retour à une vie de célibataire, dont les codes et les repères étaient jusque-là de lointains souvenirs pour ces trentenaires en couple depuis belle lurette. « J'ai eu l'impression de redécouvrir un monde », s'amuse Mathilde, qui avoue s'être inscrite sur des sites de rencontre «pour tester ». Les amis et le noyau familial prennent alors une place primordiale dans la reconstruction d'un quotidien nouveau. Et le fait d'avoir la trentaine facilite évidemment les choses. « Je suis encore jeune ! Et ma fille est petite. Je suis dans une phase où je m'amuse, je réalise que je peux retomber amoureuse, je suis libre dans ma tête », confie Mathilde. Même son de cloche chez Vanessa, 32 ans, séparée de son mari il y a deux ans après près de dix ans de vie commune. « Depuis ce divorce compliqué, je suis plus "forte" mentalement et je suis plus sûre de moi maintenant. J'ai retrouvé des amis que je ne voyais plus lorsque j'étais mariée », souligne-t-elle. Pour Sophie, c'est même une révélation : « Je me rends compte que finalement je me débrouille bien toute seule, moi qui suis partie de chez mes parents pour vivre en couple, c'est une première ». Ou le divorce comme une occasion de se recentrer sur soi.
Finis les compromis, plus question de s'oublier dans le couple, l'épanouissement personnel est le maître mot de cette génération. « J'ai appris à prendre soin de moi, à me faire plaisir. Et puis moi qui étais focalisée sur mon boulot, j'ai appris à relativiser, à mettre de la distance et à changer de priorités », raconte Sophie. « Dans ces cas de séparation, les jeunes femmes peuvent se permettre une vision un peu à court terme », commente Serge Guérin. Elles ont encore l'âge de tout recommencer, et contrairement à leurs aînées, ont beaucoup moins d'inquiétude par rapport au sexe et à la séduction. D'ailleurs, le fait d'être une maman célibataire peut carrément être perçu comme « sexy ». Mathilde l'affirme : « Je ne l'aurais pas cru, mais être maman est finalement un atout dans la drague. Par exemple, la dinette de ma fille trône au milieu du salon : et quand je ramène un mec à la maison j'assume complètement », sourit-elle. Et le sociologue de confirmer : « Pour reconstruire sa vie amoureuse, être parent peut être un atout valorisant face à un nouveau partenaire. Cela peut même rassurer l'autre, en lui montant qu'on n'a pas peur des responsabilités ».
Car ces « céli-trentenaires » ne sont généralement pas échaudées par une première rupture douloureuse et entendent bien trouver le prince charmant après leur divorce. « J'ai refait ma vie à 30 ans et j'ai eu un troisième enfant avec mon nouveau conjoint, témoigne Vanessa. Une vie sans tracas et épanouie autour d'une famille recomposée », raconte-t-elle. Une première expérience de séparation n'est donc pas un frein à la notion d'engagement. « Un divorce à 30 ans ne signifie pas nécessairement un second divorce à 40 ans », rassure Serge Guérin. Au contraire, il semblerait que les couples ayant déjà connu l'étape du divorce veuillent mettre toutes les chances de leur côté pour leur prochaine relation. Et qu'ils ne prennent plus l'engagement à la légère. « Avec mon nouveau compagnon, nous ne savons pas si un jour on se mariera. On se dit que ce n'est pas indispensable à notre bonheur, que l'amour se prouve autrement », raconte Sophie. Avant d'ajouter : « Bref on verra… Mais si on se marrie quand même un jour, il faudra qu'il me fasse une vraie demande, avec la bague et tout ! Je reste une fille très fleur bleue ». Nouvelle génération ou non, il y a certaines règles qui ne changent pas.
*Serge Guérin est sociologue et est notamment coauteur de « Regards sur un XXIe siècle en mouvements »
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