Il a tranché en début de semaine. Après plusieurs mois de concertation, le maire de Paris Bertrand Delanoë a finalement décidé d’appliquer la réforme des rythmes scolaires dès la rentrée 2013 dans la capitale. Un choix qui a créé la surprise lundi, d’autant que les enseignants parisiens n’ont jamais caché leurs réticences au retour à la semaine de quatre jours et demi. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à s’opposer au plan du ministre de l’Education nationale. Dans toute la France, de nombreux parents les rejoignent.
Nicole est l’un d’entre eux. Sur la page Facebook de Terrafemina.com, elle explique que l’école de ses enfants, au sud de Lyon, « instaurera la semaine de quatre jours et demi dès la rentrée prochaine avec pour horaires : 8h30/12 heures et 14 heures/16h15 les lundis, mardis, jeudis et vendredis, et 9 heures/12 heures le mercredi. Hormis cet emploi du temps, il n’y aura pas de changement. Les enfants n’auront pas plus de sport, de musique ou de dessin après l'école. Ils iront toujours à l’étude. Alors finalement, qu’apportera cette réforme ? Un jour de repos en moins, aucune des activités supplémentaires promises par Vincent Peillon et de longues journées en perspective pour des élèves de primaire. »
Mère d’un garçon de 4 ans, Johanna, 35 ans, estime qu’ajouter une demi-journée de classe est légitime si « l’Education nationale intègre, comme annoncé, l’enseignement de l’anglais dès le cours préparatoire ». Elle remarque toutefois que la demi-journée supplémentaire représente un réveil de plus pour les enfants, avec la fatigue qu’il engendre. « Mon fils est tellement heureux de ne pas se lever le mercredi », souffle-t-elle.
Comme ces deux mères de famille, cette réforme en laisse beaucoup d’autres perplexes. Fin janvier, un sondage Harris Interactive réalisé par le Snuipp-FSU, le principal syndicat du primaire, révélait que selon 45% des parents, leur commune ne disposait pas des infrastructures nécessaires pour accueillir les élèves dans le cadre des activités périscolaires prévues par le décret, tandis que pour 57%, le personnel qualifié est en sous-effectif. « Écourtées, les journées de classe ne seront pas comblées correctement par les activités périscolaires, craint d’ailleurs Christèle. Pour que ces activités périscolaires soient bénéfiques, il faut le temps de les mettre en place. Or, celui qui leur est imparti est insuffisant. Il faut aussi de l’argent. Et si certaines communes en ont suffisamment, c’est loin d’être le cas de toutes ». Un point de vue que partage Johanna. « Si la mairie de Paris a les moyens de faire régulièrement appel à des intervenants extérieurs pour organiser des activités, ce n’est pas le cas de toutes les villes, comme celles de banlieue par exemple. » Et d’ajouter : « Cette réforme risque donc de creuser davantage les inégalités. Et que dire si ces activités devaient être à la charge des parents ? »
Le coût de la mesure est en effet l’un des principaux points de friction. Entre les frais de cantine, de ramassage scolaire et de recrutement des animateurs, entre autres, il s’élèverait à 600 millions d’euros, selon l’Association des maires de France, et devrait être en partie financé par une augmentation des impôts locaux. Problème : les parents ne sont pas disposés à mettre la main au porte-monnaie. « L’école est censée être gratuite et la culture accessible à tous, rappelle Audrey, 34 ans. Payantes, les activités périscolaires iraient à l’encontre du principe de l’école républicaine. De plus, seuls certains écoliers y auraient droit et les plus défavorisés seraient une nouvelle fois laissés sur la touche. » Secrétaire général du Snuipp-FSU, Sébastien Sihr confirme que la question de la gratuité est « un vrai problème pour les familles ». Au Figaro.fr, il a fait savoir que « non seulement elles ne sont pas prêtes à payer cette réforme par une augmentation des impôts locaux, mais elles accepteront encore moins de les payer directement de leur poche ». Ainsi, 92% des parents ont d’ores et déjà prévenu qu’ils n’inscriront leurs enfants aux activités périscolaires qu’à la condition que ces dernières soient gratuites.
À 33 ans, Simone préfère, elle, voir les avantages du dispositif. « En soi, c’est bien, juge-t-elle, ça empêchera les enfants de rester devant leurs écrans à jouer aux jeux vidéo. Ils sont de moins en moins nombreux à pratiquer une activité extrascolaire en comparaison avec les écoliers américains, belges ou allemands. Or, c’est un atout pour leur développement. »
Il est toutefois un point sur lequel la plupart des parents d’élèves se rejoignent : le bouleversement de cette réforme sur leur vie professionnelle. Mère célibataire, Johanna confie organiser la sienne autour du rythme scolaire de son fils. « Si la réforme est appliquée dans le Val-d’Oise, je serais obligée de m’adapter à ses horaires pour pouvoir travailler. Dans le cas contraire, entre le centre de loisirs, la garderie et la cantine, je serais incapable de m’en sortir financièrement ». Même constat pour Audrey. « J’ai la chance d’avoir une supérieure hiérarchique qui m’a permis de poser tous mes mercredis mais j’ai conscience d’être une exception. Alors, pour les mamans qui n’ont pas ma chance, qui va prendre le relais le mercredi après-midi ? Un enfant qui quitte à midi le mercredi, c’est un parent qui doit abandonner son travail à 11h30. » Et de conclure : « Qu’on applique cette réforme mais qu’on ne demande pas aux parents, aux mamans, de compenser à quelque niveau que ce soit ».
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