Pourquoi je pense que la réforme du congé parental présentée par Najat Vallaud -Belkacem dans le cadre du projet de loi pour l'égalité entre les hommes et les femmes, va malgré elle, conduire à une réduction du congé parental.
Cette réforme partait pourtant d'une bonne intention : assurer une meilleure répartition des responsabilités parentales et lutter contre la précarisation des mères qui, éloignées trop longtemps du marché de l'emploi, ont souvent des difficultés à en retrouver un.
Ainsi, la mesure prévoit que les parents d'un seul enfant, qui ont aujourd'hui droit à six mois de congé, pourront prendre six mois de plus, à condition que ce soit le second parent qui en bénéficie. Jusque-là, tout va bien, la réforme est un plus pour le second parent, une sorte de bonus...
Mais les choses se gâtent à partir de deux enfants car la durée du congé restera de trois ans à condition que six mois soient pris par le second parent. Sinon, elle sera raccourcie à deux ans et demi. Par conséquent, la réforme passe du stade de l'incitation à l'obligation, pour le second parent, de prendre le relais. Sinon c’est la sanction : la durée du congé est raccourcie de six mois.
C’est justement sur ce point que je ne suis pas d'accord. Le choix du congé parental est quelque chose qui doit se décider à l'intérieur du cadre familial. Il ne doit pas être imposé par la ministre des droits des femmes. D'autant que l'égalité hommes-femmes est déjà respectée en la matière puisque l'homme est tout à fait en droit de prendre un congé parental, s'il le désire et si son métier le lui permet.
Or, le problème est que dans les faits, seul un papa sur neuf réduit ou interrompt son activité professionnelle pendant au moins un mois après la naissance d’un enfant. Et si les hommes sont si frileux, c'est parce qu'ils savent que mettre leur carrière entre parenthèse pendant six mois est plutôt mal vu par l'employeur et comporte des risques certains. De plus, leur salaire est en général supérieur à celui de la femme. Aussi, le faible montant de l'allocation, et sa diminution à partir d'un certain seuil de ressources, rend le congé parental encore plus dissuasif pour le père.
Autre problème : si le père ne peut pas prendre le relais, c'est la galère assurée pour trouver un mode de garde pour les six mois restants avant l'entrée en maternelle. La seule solution pour la mère sera de prendre six mois non rémunérés. Elle n’aura aucun statut vis-à-vis de son employeur et ne sera certaine de retrouver son poste car elle ne sera plus en congé parental. On accentue ainsi la précarisation de l'emploi des femmes. L'effet inverse de ce qui a été voulu initialement...
Résultat des courses, selon moi : les familles vont se détourner de ce congé parental restrictif qui ne tient pas compte des réalités de la vie familiale et professionnelle.
Il faudrait pouvoir mener une véritable campagne de sensibilisation auprès des entreprises afin de changer leur regard sur le congé parental des pères et s'attaquer en priorité aux inégalités salariales. Le choix du congé parental relève à mon sens uniquement de la sphère privée et familiale.
Quant à moi, j'ai eu la chance de pouvoir prendre un congé parental à la naissance de mon troisième enfant et jusqu’à sa scolarisation. Non pas par obligation ou de faute de place en crèche, mais par véritable choix. Avec la réforme, j'aurai alors été bien en peine de trouver un mode de garde pour les six mois restants et j’aurai très certainement regretté de ne pas pouvoir profiter un peu plus de mes enfants.