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Phobie scolaire : "Le jour où je n'ai pas pu aller au collège"
Publié le 2 septembre 2013 à 09:00
Par Marine Deffrennes
Maux de tête, de ventre, vertiges, troubles du sommeil, état dépressif… À 14 ans, comment fait-on quand on ne peut plus mettre un pied au collège ? Justine Touchard raconte ses années de galère dans un témoignage éclairant écrit avec sa mère. Elle met le doigt sur ce que les psys appellent « phobie scolaire », un problème vieux comme l'école, mais auquel le système éducatif apporte peu de réponses.
Phobie scolaire : "Le jour où je n'ai pas pu aller au collège" Phobie scolaire : "Le jour où je n'ai pas pu aller au collège"© DR
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Le jour où elle n’a pas pu aller au collège, Justine, 14 ans, se sentait épuisée. « C’était une accumulation de beaucoup de choses, je n’en pouvais plus », dit-elle. Après avoir passé deux ans sans aller à l'école, puis remonté la pente jusqu’au Bac, elle revient sur cet épisode de son adolescence dans un témoignage* à quatre mains. La mère, Anne-Marie Rocco, journaliste, et la fille, aujourd’hui étudiante en communication, ont voulu raconter cette drôle d’aventure qui les a laissées perplexes et démunies face au système scolaire tel qu’il est conçu. 

« J’étais une proie facile »

Comment en vient-on à ne plus pouvoir supporter une journée de classe, au point de développer des symptômes somatiques, voire de tomber dans la dépression, quand on n’est qu’une enfant ? Pour Justine Touchard, élève sage et consciencieuse, mais abonnée aux mauvaises notes, l’école n’a pas toujours été une punition. « En primaire et au début du collège, j’avais des amis et je me sentais plutôt bien ». C’est en quatrième que les choses ont basculé, au moment de l’adolescence. « Des groupes se formaient dans la cour du collège, il y avait ceux qui étaient cools, populaires, et les autres », se souvient Justine, qui se voit alors comme une suiveuse incapable « d’entrer dans une case » pour se faire une place au milieu de ses camarades. Elle se sent isolée et commence à préférer la solitude ou la compagnie des adultes, déjeune seule à la cantine et aggrave la situation lorsqu’elle cherche à se faire remarquer. « Ma réputation faisait que personne ne voulait traîner avec moi », dit-elle. Ses amis se détournent d’elle, lui demandent de ne pas publier de messages publics sur leur profil Facebook… Elle entend des ricanements, essuie des « petites phrases » blessantes. « J’étais une proie facile car j’étais fragile », pense-t-elle avec du recul. Bientôt l’école devient invivable, et des symptômes physiques commencent à alerter sa mère. 

Du mal-être à la phobie scolaire

« Les phobies scolaires sont connues depuis longtemps, et peuvent être d’intensité très variable, explique la psychologue Béatrice Copper-Royer. Cela peut aller de la fuite ou de l’évitement scolaire, à l’incapacité absolue de pénétrer dans la cour ». Ce trouble anxieux considéré comme « majeur » peut donner lieu à des symptômes et à des gestes très violents, selon la psychologue, « les enfants sont parfois prêts à tout pour échapper à la situation. » Justine décrit de son côté un « chamboulement émotionnel intérieur dévastateur », quelque chose qui « l’enferme » et prend le contrôle sur toute sa vie. Sa mère se souvient de la rentrée scolaire de troisième : « Justine allait à l’école à reculons, elle avait mauvaise mine, et je recevais des appels trop réguliers de l’infirmière qui me demandait de venir la chercher car elle se sentait mal ». Le 3 octobre 2008, elle tombe de haut malgré tout : Justine lui annonce qu’elle a décidé qu’elle n’irait plus à l’école. Commence alors un marathon dans Paris et sa banlieue à la recherche du psy et de l’école qui pourraient aider Justine à aller mieux et à ne pas perdre une année.

L’école responsable ?

Difficile de croire que durant toutes ces années d’école, silencieuse, retranchée de plus en plus dans la classe, Justine n’ait attiré l’attention d’aucun professeur. On s’inquiète de ses difficultés en maths, mais peu de son attitude triste et repliée sur elle-même. Cinq ans plus tard, les parents culpabilisent, ils auraient pu mieux interpréter les signes avant-coureurs. Mais ils s’interrogent aussi sur l’inertie du système éducatif, « une machine avec ses règles », incapable d’apporter des réponses lorsqu’une brebis s’égare en chemin. « Les professeurs de Justine ont montré beaucoup de bonne volonté, mais ils ne sont pas formés à ce genre de dérapage dans un parcours scolaire », estime A.-M. Rocco. Résultat : les parents sont livrés à eux-mêmes et aux psychologues, qui traitent la phobie scolaire comme une pathologie, mais qui n’ont pas conscience du retard accumulé pendant ce temps par l’élève malade de l’école… «  Si seulement les éducateurs et les psychologues se parlaient », ils pourraient à cette occasion au moins définir une marche à suivre en cas de rupture totale de l’enfant avec l’école. 

Mais la phobie scolaire ne peut s’expliquer uniquement par le facteur anxiogène de l’école, si l’on en croit  Béatrice Copper-Royer : « Il y a derrière cela un trouble anxieux, une angoisse de la séparation, et il faut souvent rechercher les causes profondes dans le contexte familial ». D’où la nécessité première de laisser le temps à ces enfants de se guérir. Si, dans le cas de Justine, le retour à l’école n’a pu se faire qu’après deux années de cours par correspondance (CNED), la psychologue recommande de céder le moins possible à l’enfant qui ne veut plus aller à l’école : « Plus un enfant évite l’école, plus il faut chercher à comprendre ce qu’il se passe. Mais il faut l’inciter à continuer à y aller, sinon sa phobie ne fera que se renforcer ». 

« Dans l’école de mes rêves… »

Sans garder de rancœur vis-à-vis du système éducatif et des années difficiles qu’elle y a vécues, Justine s’est forgé une idée bien précise de ce que serait son école idéale. « Je commencerais par supprimer les notes, assène-t-elle, car elles ne servent qu’à classer les élèves et créer une compétition. Quand on a toujours la même note, ce n’est pas encourageant ». Une thèse d’ailleurs défendue par un grand nombre de pédagogues et qui fait son chemin chez bon nombre d’enseignants. L’ancienne élève rendrait ensuite les programmes plus flexibles, et les rythmes d’apprentissage ne seraient pas les mêmes pour tous. Elle proposerait également la création d’une nouvelle matière, enseignée une heure par jour : la méthodologie, « car tout le monde n’a pas la science infuse pour trouver la bonne manière d’apprendre ».  Plus étonnant, Justine, née en 1992, pense qu’il serait bon de revenir à des écoles non mixtes, « parce que durant l’adolescence, les filles ne sont pas forcément à l’aise face aux garçons de leur âge ». L’idée s’avère plus progressiste qu’elle n’y paraît : selon certaines théories des sciences de l’éducation, les classes séparées entre filles et garçons permettraient de lutter plus efficacement contre les stéréotypes de genre et contre l’échec scolaire

*Le jour où je n’ai pas pu aller au collège, Anne-Marie Rocco et Justine Touchard, Flammarion, 19€.

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