Anne-Marie Slaughter est l’une des plus éminentes féministes américaines. En 2012, elle avait notamment fait le buzz avec un article intitulé « Pourquoi les femmes ne peuvent toujours pas tout avoir dans la vie ? ». Partagé près de 230 000 fois sur Facebook, la charge, sciemment provocatrice, relatait son expérience de mère active en lutte pour préserver son équilibre familial lors de son passage à la Maison Blanche auprès d’Hillary Clinton.
Très épanouie dans son job d’alors, elle avait néanmoins choisi de quitter ce poste dont elle avait tant rêvé, ne parvenant pas à gérer ses deux ados en plus des obligations qui étaient les siennes. Pourtant, si Slaughter déplorait sa propre expérience et la difficulté toujours bien présente pour les femmes de concilier vie active et vie personnelle, elle entrevoit aujourd’hui la solution dans la condition des pères, en pleine révolution selon elle.
Dans une interview donnée à CNN, la féministe fait référence au fameux article après lequel elle reçut des milliers de témoignages. Parmi eux, 20% provenaient d’hommes déplorant de ne pouvoir consacrer à la paternité le temps qu’ils souhaiteraient. Selon eux, s’il est difficile pour une femme de faire son trou en entreprise en raison de ses obligations maternelles, il l’est tout autant pour un père de demander à son employeur davantage de flexibilité pour se consacrer à ses enfants. Bien souvent, un homme qui déclare son envie de pouponner est perçu comme un salarié désengagé. Résultat, ils sont de plus en plus nombreux à se dire "cloués au plancher de verre". Il faudra pourtant bien que les employeurs finissent par considérer la famille comme une valeur ajoutée et non un frein à la carrière.
Il semble en effet que le dernier maillon de la chaîne vertueuse de l’égalité hommes-femmes soit bien l’entreprise elle-même, qui fait barrage à une répartition des tâches équilibrée entre deux parents qui travaillent. Car les hommes, eux, sont pour beaucoup très investis dans l’éducation de leurs rejetons depuis belle lurette. En témoignent ces papas stars déambulant fièrement leur nourrissons sous le bras, le muscle saillant et le sac à couches en bandoulière, balayant d’un revers de la main les potentiels regards moqueurs des mâles à l’ancienne. Brando, Warrenn Betty, Jack Nicholson ou même ce gentil Robert Redford, autant d’hommes qu’on a plus souvent vus biberonner plutôt que biberonnant. Aujourd’hui, Ben Affleck, David Beckham et Brad Pitt, donc, à tout moment flanqués de cinq à six préados couverts de chips pendant que maman cartonne dans son métier sont le symbole de cette implication nouvelle des pères mais également un signal fort envoyés aux autres mâles de la planète. Chez les Jolie-Pitt, quand maman tourne, papa vient sur les tournages avec la smala ; quand papa tourne, c’est maman qui s’y colle (même si les photos cachent certainement les 15 nounous qui suivent le cortège mais passons).
Selon Slaughter, la cause des femmes ne pourra donc continuer à progresser sans cette mutation des pères, intimement liée à ce que la société, mais aussi à ce que les femmes elles-mêmes, valorisent chez les hommes.
Car, cause ou effet du phénomène papa people, les nouveaux pères, eux, sont prêts à s’y coller. Merci Brad Pitt, t’es chic.