Pile pendant la semaine mondiale de l’allaitement maternel, qui a lieu du 1er au 7 août chaque année, c'est une photo d’Olivia Wilde en train de donner le sein à son fils vêtue d’une robe Roberto Cavalli et publiée dans magazine américain Glamour qui a fait déborder le vase. Le cliché, sorte de réinterprétation sur papier glacé de « La Vierge à l’Enfant », est accompagnée de la déclaration suivante de l’actrice révélée dans la série Docteur House : « Etre photographiée avec Otis est parfait parce que les portraits de moi sont incomplets aujourd'hui si on laisse de côté mon rôle de maman. Allaiter est la chose la plus naturelle qui soit pour moi ».
Otis ordered milkshakes. Luckily I had some on me. Then he peed on my dress. Good kid. #boobfood #whennaturecalls pic.twitter.com/YC9OcJuRod
— Olivia Wilde (@oliviawilde) August 5, 2014
Avant Olivia Wilde, de nombreuses stars, parmi lesquelles Gwen Stefani, Natalia Vodianova ou encore Angelina Jolie, ont succombé à cette mode consistant à se faire prendre en photo tout en donnant le sein. Si certaines se contentent de partager ces clichés intimes sans faire de commentaires, d’autres n’hésitent pas à revendiquer haut et fort leur joie d'allaiter. Quitte, comme Gisèle Bündchen, à franchir la ligne rouge en faisant preuve d'un prosélytisme extrême.
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Ainsi, en 2010, lors d'une interview à Harper's Bazaar, la top brésilienne s'était permise de faire la leçon aux mères du monde entier, rien que ça… « Allez vous donner de la nourriture chimique à vos enfants, alors qu'ils sont si fragiles ? Il devrait y avoir une loi mondiale obligeant — selon moi — les mères à allaiter leurs enfants jusqu'à 6 mois », s'indignait-elle.
Nous y voilà. Au-delà de leur caractère impudique - typique d’une époque où l’exhibition de soi à coups de selfie est devenue la règle - ces photos d'actrices ou de mannequins poitrine à l'air posent problème tant elles participent de manière insidieuse au diktat de l’allaitement au sein. Elles disent toutes en substance et peu subtilement : « Regardez-moi, je suis une bonne mère puisque je donne le sein. »
Ce serait différent s'il s'agissait d'anonymes désireuses de partager des images de leur bonheur d'être maman et de nourrir leur enfant, et non de célébrités suivies par des milliers de fans sur les réseaux sociaux et qui sont donc, pour employer un terme issu du marketing, « prescriptrices ».
Or, en postant ce type de photos, nos chères amies les stars contribuent clairement à culpabiliser les mères. Les autres, celles qui – crime de lèse-majesté – optent pour le biberon, par choix ou par nécessité. Sont-elles pour autant des mauvaises mères ?
Et que dire de cette image artificiellement glamour de l'allaitement maternel ? N'en déplaise à Gisèle, donner le sein, même en se faisant chouchouter comme un caniche de concours, n'est pas toujours une promenade de santé. Quid de l'inconfort de la montée de lait, des coussins d'allaitement ou encore des crevasses douloureuses ? Ces désagréments, même passagers, font aussi partie de l'expérience des mères.
Quelle femme peut allaiter en pleine séance de maquillage et de coiffure comme Gisèle Bündchen ? Et quelle femme peut se payer un illustre photographe pour immortaliser ce moment privilégié d’intimité avec son enfant comme Natalia Vodianova ? Car si certaines stars n’hésitent pas à se montrer sans aucun fard, la plupart préfèrent se mettre en scène toute pimpantes. Sans se rendre compte de l’agacement bien légitime que ce genre de portraits « artistiques », à mille lieux des affres de la maternité, peut générer chez le commun des mortelles, qui n'ont pas à leur disposition coiffeur, styliste et nounou. Comme le faisait remarquer à juste titre Angelina Jolie, à la tête d'une tribu de six enfants, être mère quand on est une star et qu'on peut se payer de l'aide est chose bien plus aisée.
Sous couvert de partager « la chose la plus naturelle » pour une mère, ces actrices, mannequins ou chanteuses, font surtout preuve d'un narcissisme au service d'une maternité triomphante et déconnectée des réalités. Et feraient mieux de se rhabiller.
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