« C’est de là que tu viens ma chérie ! C’est un endroit magique. Tu veux y entrer ? » Prenant l'invitation au mot, une jeune femme blonde aux vêtements bigarrés se glisse lentement et de façon suggestive entre les jambes d’un grand jeune homme à l’accoutrement non moins excentrique et flashy. Et de se retrouver dans une pièce aux murs tapissés de papier argenté puis doré. Quelques instants après, la voilà allongée dans un lit rose bonbon, visiblement au 7ème ciel… Si cette saynète interpelle, ce n'est pas tant en raison de son étrangeté que parce qu'elle s'adresse à nos chères têtes blondes.
Créée par Fannie Sosa et Poussy Draama, deux artistes et performeuses féministes, « Baby ! Love your Body ! » détonne furieusement dans le paysage des émissions pour bambins. Ce programme – disponible en version française et anglaise – aux airs psychédéliques se donne, il est vrai, pour ambition « de parler aux enfants de sexualité, de consentement, de respect et de compassion ».
Dans sa version française, la première vidéo, mise en ligne le 17 septembre dernier, compte, à l'heure où nous écrivons, plus de 6 000 vues sur Youtube, ainsi que 56 commentaires. Un résultat somme toute probant, d'autant plus si on le compare à son alter-ego anglais beaucoup moins viral (1700 vues et 1 commentaire). Or, comme le reconnaît Fannie Sosa, contactée par Terrafemina, cette popularité n’est pas synonyme d’adhésion. Bien au contraire, ainsi qu'en attestent les commentaires outragés d'utilisateurs choqués par cette exploration souriante et déjantée du sexe féminin.
Pour cette jeune femme d’origine argentine, qui s’est fait connaître en donnant des cours de twerk, cette danse des fesses popularisée (et caricaturée) par Miley Cyrus, « l’éducation sexuelle est toujours abordée sous l’angle de la reproduction et non du plaisir. Elle véhicule avant tout des peurs : celle de tomber enceinte ou d’attraper une maladie sexuellement transmissible. »
Fannie Sosa revendique totalement l’aspect provocateur de la vidéo, dans laquelle on entend dès les premières secondes les mots « cramouille », « schneck » et « chatte ». « On a choisi ces mots pour justement donner un échantillon des expressions qui désignent le sexe féminin dans la langue. De toute manière, les enfants entendent ces mots tous les jours. Notre but, c’était de les intégrer à une vision positive en les faisant prononcer dans la vidéo par des gamins, cela n’a rien de malsain. »
Par ailleurs la vidéo aborde discrètement, à travers le choix des protagonistes - dont un drag queen baptisé Clovis et qui symbolise le vagin - les questions de genre et d’homosexualité. Un choix totalement assumé par la créatrice de l’émission, pour laquelle « la France est arriérée sur les questions de genre et de sexualité ». Et de poursuivre : « Nous voulons donner la permission aux enfants de parler de sexualité en désacralisant leur corps. Mais attention, il ne s’agit pas de mettre les enfants tout seuls devant l’émission, il faut les accompagner et en parler avec eux. »
Un dialogue qui doit – et c'est essentiel selon l'artiste – avoir lieu dans la cellule familiale. Exit les « psychologues français » qui « obnubilés par une vision très freudienne de la sexualité » auraient trop de retard. « Les parents, comme les enfants, voilà les "vrais" spécialistes de la question », assène la jeune femme.
Et quid de La Manif pour Tous, très présente sur les question de l'éducation via la polémique autour de la « théorie du genre » ? Pas besoin d'être devin pour savoir que cette vidéo surréaliste, évoquant les spectacles psychédéliques des années 60, risque, si elle se propage, de faire des remous auprès des franges les plus conservatrices. Pas dupe, Fannie Sosa compte justement sur les « anti-genre » pour participer à la diffusion de son message prônant «l'amour et la tolérance ». « La version française a récolté plus de vues en moins de temps que la version anglo-saxonne, ce n'est pas un hasard. Les gens qui postent des commentaires négatifs projettent simplement leurs blocages sexuels. »
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