Céline Mas : Nous sommes partis du constat que le féminisme disons classique, qui défend très justement les droits des femmes, peut être complété par une réflexion sur l’homme, comme cela a pu être fait au Québec par exemple. L’un des objectifs de ce rapport est de faire prendre conscience aux hommes que la domination masculine leur est aussi préjudiciable et va à l’encontre d’un modèle de société plus harmonieux entre les femmes et les hommes. Par exemple en termes de santé : ils souffrent davantage de maladies graves, de surmenage et de Burn out, et sont davantage candidats au suicide - 8 suicides sur 10 sont commis par des hommes. Ils subissent, sans toujours s’en rendre compte, les codes de la société patriarcale, basée sur le productivisme et la performance à outrance.
C. M. : Je trouve l’explication du machisme latin un peu légère. Pour nous, c’est essentiellement une question de déficit des politiques publiques. On le voit dans les pays du Nord et anglo-saxons, ils n’abordent pas ces questions de la même façon, et ont fait preuve d’un réel volontarisme politique. Dans le domaine du travail et de l’éducation, c’est à l’Etat d’actionner certains leviers. Nous avons à la fois besoin de pragmatisme avec des mesures fortes et précises, et d’un travail de fond, pour sensibiliser et éduquer la société.
C. M. : De manière générale, l’ambiance médiatique et politique a ouvert une discussion sur la place des femmes. Dans certaines associations, les appels de victimes ont explosé, pas seulement sur le viol, mais aussi sur l’atmosphère dominatrice et agressive que des femmes subissent au quotidien dans leur environnement personnel et professionnel. La parole se libère et c’est une bonne chose.
C. M. : Au cours des auditions menées pour cette enquête, sur le terrain, dans les associations et auprès des acteurs concernés par la question de l’égalité hommes/femmes, nous avons rencontré beaucoup de jeunes pères, sensibles à ce problème. Mais il faut continuer à agir sur le monde du travail, et élargir le congé paternité, déjà choisi par 66% des pères. Notre rapport propose un congé allongé à 8 semaines, en rendant obligatoire les deux premières semaines après la naissance. Selon bon nombre de psychanalystes, si le père se sent investi dès la naissance, il le resterait plus tout au long de la vie de son enfant, alors que quand ce contact n’existe pas dès le début, le père aurait tendance à se désengager plus facilement.
C. M. : L’idée de cette proposition est de créer une acclimatation à la vie dans la sphère privée à deux. Parce que malgré tout ce que l’on entend sur les nouveaux hommes, 80% des tâches domestiques sont toujours assumées par les femmes. Ces cours mettraient les adolescents en situation de gestion de l’économie familiale (cuisine, ménage, consommation, alimentation, soins aux enfants), pour créer des réflexes le plus tôt possible. Ces cours pourraient être dynamiques et interactifs, et donner aux jeunes l’occasion de débattre.
C. M. : Ce n’est pas dans un esprit guerrier et dominateur que nous proposons cela. Je rappelle que ce rapport a été écrit par deux femmes et trois hommes. En fait, il y a assez peu d’occasion d’aborder et de sensibiliser les hommes sur les questions de répartition des tâches domestiques, la Fête des Pères peut être un bon moment pour en parler avec un brin de convivialité !
Consulter le rapport complet de Terra Nova : « L’implication des hommes, nouveau levier dans la lutte pour l’égalité des sexes. »
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