Monique de Kermadec : La première chose que l’on remarque chez un adulte surdoué est son sentiment profond de différence par rapport aux autres. Cela vient entre autres d’une intensité latente dans son appréhension du quotidien. Tout chez lui est objet d’une acuité et d’une sensibilité poussées. Or le surdoué n’a généralement pas conscience des démarches de sa pensée qui lui permettent d’analyser et comprendre plus vite. Néanmoins il s’agit du trait de personnalité qui frappe le plus l’entourage de ces adultes très doués. Autre point commun chez les adultes surdoués que j’ai rencontrés : une tendance forte à la dépression. Ces personnes ont en effet souvent renoncé à une part d’eux-mêmes face aux barrages qu’a soulevés leur différence. Ils sont rongés par celle-ci, et les difficultés d’intégration qui y sont liées. Par manque de valorisation de leurs capacités, ils ne croient plus en leur talent.
M.K : Les adultes très doués ne sont pas plus heureux à l’âge adulte qu’ils ne l’ont été enfants, sauf si une passion est devenue le fil conducteur de leur vie. Il y a évidemment des adultes surdoués qui réussissent et ont su tirer profit de leur surdouance. Mais pour les autres, c’est une grande souffrance. La dépression et la déception que connaissent ces adultes surdoués viennent de l’impossibilité de se faire reconnaître eux-mêmes. Souvent depuis leur enfance ils ont mis en place un jeu de faux-semblants permanent afin de répondre à l’image que l’entourage souhaite avoir d’eux. Leur marginalité fait qu’ils n’ont pas encore trouvé leur chemin.
M.K : Un adulte surdoué est perçu soit comme quelqu’un de dérangeant soit comme quelqu’un à part pour qui tout fonctionne et dont la réussite est une chose acquise. Ces personnes sont figées dans un mode de fonctionnement qu’on leur impose : ainsi si elles sont douées dans un domaine, que ce soit le piano ou les mathématiques, une pression consciente ou non de leur entourage va s’exercer afin qu’elles s’y consacrent. Les adultes surdoués souffrent de cette attente permanente qui pèse sur leurs épaules et à laquelle, plus que les autres, ils croient devoir répondre. Il y a ainsi des adultes qui essaient de cacher leur différence, de se fondre dans le paysage pour mieux s’intégrer. Or cela revient à s’effacer, à renier sa personnalité.
M.K : La première chose que je conseille est de faire un état des lieux personnel. Je demande ainsi à mes patients de dresser une liste de ce qui leur paraît être leurs atouts. Il s’agit d’un exercice difficile : ces adultes ont tellement été habitués à mettre en avant uniquement ce que les autres ont valorisé en eux qu’ils sont souvent incapables de mettre le doigt sur leurs propres qualités. Ils peuvent se sentir en contradiction entre ce qu’ils sont réellement et ce que les autres voient d’eux. D’où l’importance de faire cette mise à plat, de dresser un inventaire des aspects positifs et négatifs de leur personnalité. Une fois ce travail effectué, la base est instaurée pour faire tomber certaines barrières qui avaient été instaurées souvent dans l’enfance pour se protéger. Il faut faire disparaître ces défenses de manière progressive.
« L’adulte surdoué, apprendre à faire simple quand on est compliqué », Monique de Kermadec. Editions Albin Michel 14,90 €.
Crédit photo : Stockbyte
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