« Les accouchées sont heureuses de rentrer chez elles »
Dans notre clinique ce programme est expérimenté depuis un an, les femmes qui le désirent et qui n’ont pas de contre-indication peuvent donc partir au bout de trois jours. Ce que je constate, c’est le sourire éclatant des mamans lorsqu’on leur apprend qu’elles vont rentrer plus tôt chez elles. Des conseillères de la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) viennent rencontrer les accouchées et leur proposent une liste de sages-femmes libérales pour un rendez-vous chez elles dans les 48 heures qui suivent la sortie.
Les avantages de ce procédé sont nombreux : la sage-femme rencontre la mère dans son environnement familier, les risques d’infections contractées à l’hôpital sont limités. »
Le temps du dépistage et du baby blues
« Néanmoins, en laissant partir les patientes plus tôt, nous nous privons de temps pour dépister certaines pathologies comme la jaunisse qui apparaît souvent au troisième jour de l’enfant. C’est toujours assez désagréable pour une maman de devoir se faire hospitaliser avec son enfant après être sortie. Une sortie précoce nous empêche aussi d’être là le soir, à l’heure du baby blues des jeunes mères. Après les visites de la journée, où elles ont fait bonne figure, elles se retrouvent avec leur bébé qui pleure, et c’est souvent le moment où elles craquent, et où nous les écoutons. »
« On oublie le facteur psychologique »
« Ce programme, élaboré par la Sécurité sociale sans l’aval de la communauté médicale et des sages-femmes, oublie les problèmes de liens mère/enfant, qui peuvent être dépistés pendant le séjour à la maternité. En effet au-delà des aspects purement médicaux, il y a cette rupture d’équilibre qui peut être douloureuse chez certaines femmes entre la grossesse et la maternité, qui peut entraîner des syndromes dépressifs et des troubles de la relation avec l’enfant. »
Le suivi pré-accouchement n’est pas envisagé
« Le principe de la sortie précoce a de fait, toujours été possible, mais il est préparé, au cours de l’entretien du 4e mois de grossesse, en concertation avec une sage-femme que la femme enceinte choisit, et avec les médecins. Cette planification pendant la grossesse est un bien, elle permet de dépister les fragilités éventuelles en amont et de créer un lien qualitatif entre la sage-femme et sa patiente. Le programme Prado tel qu’il nous a été présenté ne propose pas ce suivi pré-accouchement, mais une prise de rendez-vous avec une sage-femme choisie sur liste à l’hôpital. Qui plus est, une sage-femme libérale, qui devra trouver un créneau dans son planning pour rendre visite à la mère dans les 48 heures. Les sages-femmes de terrain sont d’ailleurs nombreuses à critiquer ce programme, et beaucoup refusent d’y participer. »
« Les médecins et les sages-femmes n’ont pas été consultés »
« Ce qui a surpris les médecins et les sages-femmes, c’est d’apprendre l’existence de ce programme à peine deux mois avant sa mise en œuvre alors qu’il est entériné depuis deux ans du côté de l’Assurance maladie. Les agences régionales de santé et les médecins n’ont été consultés à aucun moment sur ce sujet sensible. En outre, le programme Prado confie au personnel administratif de la Sécurité sociale le pouvoir de décider quelles sont les femmes qui pourront sortir plus tôt ou non, sur des critères définis par la Sécurité sociale, qui s’impose en organisateur de soins. Il aurait fallu une réunion tripartite avec les professions libérales concernées, à savoir les gynécologues accoucheurs, les sages-femmes et les médecins généralistes, afin de définir des règles de coordination de soins et des critères de sortie. »
« À j+2, les femmes sont épuisées »
« Nous comprenons les objectifs économiques de ces mesures, il s’agit bien de supprimer les hospitalisations à domicile pour les femmes qui veulent sortir plus tôt. Les visites de sages-femmes et d’aides soignantes plusieurs fois dans la journée coûtent cher à l’Assurance maladie. Mais en voulant réduire les dépenses, on dégrade la prise en charge de ces femmes. Deux jours après avoir accouché, elles sont fatiguées et souvent heureuses de ne pas retrouver les contraintes domestiques. Elles n’ont pas encore de montée laiteuse, doivent surveiller le bébé, et même si tout se passe bien dans 90% des cas, elles sont rassurées par la présence médicale qui leur est offerte en maternité. »
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