Les jeunes filles s’asseyent rarement devant une glace pour voir leur sexe, et n’ont guère de mode d’emploi pour savoir ce qu’elles regardent : méat urinaire ? Grandes et petites lèvres ? Clitoris ? Où est-ce ? Qu’est-ce ? À quoi ça sert ?
Des enquêtes récentes semblent indiquer qu’entre 13 et 14 ans, les filles ne savent pas grand-chose de leur sexe et, pour une bonne partie, ne savent dire si elles ont un clitoris.
Certains parents fustigent l’Internet, trouvent qu’il est toujours trop tôt pour que l’école en parle, sont dans la gêne et l’embarras et optent pour le silence. On sait pourtant les ravages de celui-ci, et les excès qu’il génère (les filles, qui maîtrisent moins le sujet que les garçons aux mêmes ages, sont aussi deux fois plus nombreuses à faire des tentatives de suicide).
Là où, quelques-uns ont profité de la révolution sexuelle, reste aujourd’hui un vide, accompagné d’un retour à l’ordre moral.
Si les manuels scolaires en disaient déjà peu, ils en disent aujourd’hui encore moins. Selon Sandie Bernard, qui a fait de nombreuses thèses sur les manuels scolaires à l’IUFM de Lyon, en vingt ans, nous sommes passés de livres de biologie pour les classes de 4e qui abordaient la notion de plaisir dans le couple et décrivaient l’acte, à des livres qui mentionnent tout juste que le rapport sexuel « n’est pas toujours lié au désir d’avoir un enfant » (Ed. Nathan).
Il en résulte, que la première source d’information pour les adolescents sont … les adolescents, suivi de l’Internet pour les garçons et les livres pour les filles. Le bouche-à-oreille, premier vecteur d’information, transporte son lot d’erreurs, d’angoisses, de peurs. Si on peut extrapoler à partir de l’étude d’Anne Sautivet faite dans un lycée de Montpellier, « 16 % des filles de 13 ans et 17% des 14 ans seulement ont une représentation correcte de leur sexe et savent comment cela se nomme. On peut donc dire que les filles ont une très faible connaissance de leur corps ». Au même âge, les garçons ont des notions bien plus précises de l’anatomie féminine.
Sans nécessairement se référer à Wilhem Reich, qui prêchait pour une expression manifeste de la libido et des amours adolescentes libres, on ne peut toutefois s’empêcher de penser à Alfred Kinsey, père de la sexologie contemporaine, qui notait lui que sans masturbations dans la période de la découverte de soi, il est ensuite moins facile pour une femme de jouir dans la relation à deux. Mais, plus important encore, il est plus difficile pour les femmes de savoir ce qu’elles souhaitent à la fois physiquement (comment demander à un homme, par exemple, une sollicitation du clitoris pendant la pénétration, si on ne sait pas le plaisir qu’il procure ; comment comprendre que la chirurgie des lèvres est une excision aussi fatale que celles pratiquées en Afrique, si on ignore qu’elles aident à la pénétration…) et dans le rapport social : il est plus complexe d’obtenir un bon poste ou une augmentation salariale, lorsque l’on n’est pas dans la pleine conscience de ses désirs.
On ne s’invente pas mère, on hérite de la fonction par la sienne. Mais on choisit à certains endroits (ceux que l’on a haï), de faire l’inverse pour créer ce que l’on estime être le modèle de mère idéale. Il serait bon, sans passer d’un extrême, le silence inhibant, à l’autre extrême, s’immiscer dans l’intimité de sa fille, de laisser traîner ici et là de bons livres accessibles à ces âges, pour que les adolescentes d’aujourd’hui et de demain soient en pleine possession de leur corps et, de fait, de leurs moyens.
Crédit photo : Goodshoot
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