Au commencement étaient les schtroumpfs, une société tranquille où, entre couilles, on vivait sereinement dans un village sans histoire tenue d’une main de maître par un vieux barbu sympathique. Et, comme dans La Genèse où l’homme préexistait à la femme, le schtroumpf préexistait à la schtroumpfette. Vous rappelez-vous comment cette salope… euh, cette jolie blonde a débarqué ? Buéno nous ravive la mémoire…
C’est Gargamel, l’ennemi des schtroumpfs, qui conçut de toutes pièces cette Eve revisitée afin de semer la zizanie chez l’idyllique peuplade virile. Et il prit quoi, Gargamel, pour créer sa grognasse ? Souvenez-vous … :
« Un brin de coquetterie… Une solide couche de parti pris… Trois larmes de crocodile… Une cervelle de linotte… de la poudre de langue de vipère… Un carat de rouerie… Une poignée de colère… Un doigt de tissu de mensonges, cousu de fil blanc, bien sûr… Un boisseauz de gourmandise… Un quarteron de mauvaise foi… Un dé d’inconscience… Un trait d’orgueil… Une pinte d’envie… Un zeste de sensiblerie… Une part de sottise et une part de ruse, beaucoup d’esprit volatil et beaucoup d’obstination… Une chandelle brûlée par les deux bouts… »
Zemmour n’a qu’à bien se tenir ! Née en 1966 et imaginée sur le modèle de Brigitte Bardot au temps de sa splendeur, rappelons aux belles prunes qu’avant de subir un relooking extrême par le Grand Schtroumpf qui la trouvait trop moche et méchante, la schtroumpfette made in Gargamel était brune et vilaine… On dit ça, on dit rien. Quant à Peyo, son « père », il avait déclaré dans une interview : « Elle est jolie, blonde, elle a toutes les caractéristiques des femmes ». Ceci explique vraisemblablement cela.
Tentatrice et pécheresse telle que l’est la femme dans la tradition judéo-chrétienne, la schtroumpfette avait donc pour mission originelle de foutre la merde au sein d’un « groupe d’hommes où, par définition, règne la concorde. C’est d’ailleurs l’argument invoqué pour la non-mixité des loges maçonniques », rappelle l’auteur. On repense au bus de Knysna et on glousse… Coucou les franc-maçons, coucou les Bleus !
Vous connaissez la suite, après être parvenue à faire ouvrir au schtroumpf poète la vanne du barrage, et que le village se fut trouvé à deux doigts d’être englouti, la fielleuse pupute fit acte de rédemption et acquit son nouveau look pour une nouvelle vie, sa baraque champignon (rose, forcément rose) et un statut à part entière chez nos puceaux sympathoches. Toujours cantonnée à des activités stéréotypées, elle passera ensuite le plus clair de son temps à débriefer avec le schtroumpf coquet, à laver du linge ou s’occuper du bébé schtroumpf (évidemment, qui d’autre ?). Pour la cuisine, Buéno souligne très justement qu’elle ne s’y colle paradoxalement pas. La raison ? On est en France que diable et, lorsqu’il s’agit de bien manger, mais vraiment bien manger, on prend un chef, un vrai (en l’occurrence, le schtroumpf cuisinier). N’est-ce pas, Yoni ?
Et si l’on avait encore des doutes sur le sexisme latent de cette étrange confrérie que l’on chérit toutefois depuis tant d’années, nous conclurons cette ludique étude sur un extrait d’interview de Peyo, qui analysa avec sincérité son personnage, rappelant que...
« Elle séduit, elle utilise la ruse plutôt que la force pour parvenir à ses fins. Elle est incapable de raconter une blague sans révéler d’abord la fin. Elle est bavarde mais ne tient que des propos superficiels. Sans arrêt, elle cause des problèmes énormes aux schtroumpfs, mais s’arrange pour dire que c’est la faute de quelqu’un d’autre. »
Il disait quoi, déjà, Peyo ? Ah oui, que la schtroumpfette avait… « toutes les caractéristiques des femmes ».
Schtroumpf alors !
A lire : l’excellent « Le Petit livre bleu – Les schtroumpfs sont-ils misogynes, communistes, nazis… ?», d’Antoine Buéno publié chez Pocket. 2,90€