La sociologue américaine Alyssa Goldstein raconte que de l'Antiquité jusqu'au début du XIXe siècle, les hommes pensaient que les femmes avaient plus de besoins sexuels qu'eux, et qu'il leur était plus facile de faire abstinence que pour les femmes. Une situation à peu près inverse à l'actuelle. La sociologue illustre son discours d'exemples, comme ce dialogue entre les dieux grecs Zeus et Héra, s'interrogeant sur qui, de l'homme ou de la femme, a un plus fort appétit sexuel, qui finissent par laisser Tirésias arbitrer, lui qui, un temps, avait été femme. « Si l’on divise le plaisir sexuel en dix parties, une seule échoirait à l’homme, et les neuf autres à la femme. » C'est cette « passion sexuelle » qui l'emporterait sur la raison, et qui aurait justifié tout au long de l'histoire de voir les femmes comme des êtres inférieurs moralement et intellectuellement, justifiant ainsi de la prise de contrôle permanente des hommes, qui eux resteraient maîtres de leurs pulsions, et pourraient ainsi plus raisonnablement décider de tout et prendre le pouvoir partout où il se trouve.
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D'ailleurs, Havelock Ellis, médecin et psychologue, publia, en 1903, Etudes de psychologie sexuelle qui passait en revue les façons dont on avait regardé le plaisir féminin au travers des siècles et des différentes cultures. De l'Europe à l'Asie, il semblait clair à peu près partout que la libido féminine était plus palpitante que celle de l'homme, même si tout n'a pas toujours été si noir ou blanc, d'autant que le protestantisme, aux Etats-Unis, prêchait pour une idée très chaste des femmes, ce à quoi elles avaient acquiescé pour avoir un statut social.
Comme le souligne l'auteure, lorsque la libido masculine est devenue une marque de leur vitalité et de leur puissance, personne n'a estimé qu'ils devenaient irrationnels, ni n'a jugé bon de leur retirer les clés du pouvoir. Il faut dire que celui-ci ne se retire pas si facilement. Ce qui est plus intéressant, c'est que les idées reçues, qui semblent toujours avoir la dent si dure, peuvent bouger très vite lorsqu'il y a un intérêt en jeu. Aux femmes, qui gèrent aujourd'hui plus de 80% de l'argent des ménages de faire valoir cet intérêt.
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Aux femmes aussi peut-être de voir si l'on peut dépasser la question de l'infantilisation de l'autre sexe, sous-jacente d'un côté comme de l'autre, depuis la nuit des temps : le rapport homme-femme, dans l'intimité de la vie de couple, est souvent proche du rapport mère-fils (encore aujourd'hui elle « materne » son partenaire en l'alimentant de nourriture, mais aussi de conseils, d'attentions, de soins qui le renforce), tandis qu'au grand jour, dans la vie sociale, où l'homme est dans sa pleine puissance, sur « son terrain », il se défend, plus ou moins sciemment, par une infantilisation récurrente de la femme, dans le monde travail en particulier. On voit bien, par exemple, que le « gender marketing » (marketing pour les femmes) consiste à tout repeindre en rose, en signalant que c'est « girly », c'est à dire « fillette ».
Puisqu'on revient – et c'est heureux - à l'idée ancienne que la femme a une libido active, il serait bon de ne pas jouer la libido de l'un contre celle de l'autre, pour s'éloigner d'un schéma a priori castrateur pour l'homme et favoriser le plaisir partagé.
A moins que la menace soit une façon de prendre le pouvoir ?