C’est sans aucun doute l’un des films les plus attendus de ce début d’année. 50 Shades of Grey, l’adaptation du best-seller d’E. L. James sortira en salles ce 11 février en France et le 13 aux États-Unis. Et alors que le premier tome de ce roman érotique a été vendu à plus de 70 millions d’exemplaires à travers le monde, le long-métrage mettant en scène l’histoire d’amour entre la jeune Anastasia Steele et le milliardaire adepte des pratiques sadomasochistes Christian Grey vise le carton au box-office.
Problème, aux États-Unis, des groupes et associations de défense des femmes battues voient d’un très mauvais œil la sortie de ce film, porté par Dakota Johnson et Jamie Dornan. En cause, l’image « sexy » de la « violence sexuelle » qu’il aurait tendance à véhiculer. Des accusations qui avaient déjà été portées contre le roman au moment de sa sortie. « Non seulement, ce film va "glamouriser" et légitimer la violence sexuelle, mais il banalise aussi la violence domestique. La réalité est que la violence vécue par Anastasia Steel dans le roman n’est pas sexy et qu’elle entraîne, la plupart du temps dans la vraie vie, des séquelles physiques et psychologiques graves chez les femmes », dénonce ainsi le Centre national contre l'exploitation sexuelle (National Center on Sexual Exploitation). Au site Première.fr, sa directrice, Dawn Hawkins, a par ailleurs déploré ce qu’elle considère comme un mensonge honteux de l’industrie cinématographique américaine. « Hollywood vend 50 Shades of Grey comme une histoire d'amour érotique, mais il s'agit en fait d'abus sexuel et de violence envers les femmes », a-t-elle estimé.
#50Shades is NOT a love story. It's about #abuse and #violence. #50DollarsNot50Shades @CollectiveShout pic.twitter.com/KfO9PdbcbM
— Peter Murphy (@PeterWMurphy1) 5 Février 2015
« Le sexe SM est plus subtil qu’il n’y paraît »
Un point de vue que ne partage absolument pas Sophie Bramly. Interrogée par Terrafemina, elle juge que les associations se mêlent là d’un sujet qu’elles maîtrisent mal. « Le sexe sadomasochiste est très complexe et beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Dans ce type de relation, c’est paradoxalement le dominé qui tient les rênes, puisque c’est lui qui décide jusqu’où son partenaire peut aller. C’est le dominé – un homme dans la grande majorité des cas – qui met le holà quand il juge que les pratiques vont trop loin. Il y a un accord tacite et un consentement indispensable », détaille la fondatrice de SecondSexe.com, un portail dédié à la sexualité féminine.
De même, elle déplore l’amalgame qui est fait entre la violence sexuelle et le sadomasochisme (SM). « D’un côté, il y les rapports SM qui résultent d’un protocole et d’une succession de grades : une montée du plaisir dans la douleur – qui peut être difficile à concevoir pour les non-initiés –, suivie de temps de pause pour reprendre son souffle et provoquer davantage de désir. C’est comme un ballet, il y a quelque chose de très cérémonial », insiste Sophie Bramly. « De l’autre côté, il y a la violence sexuelle ou domestique et les abus commis par des personnes frustrées qui se vengent sur leur victime. Elles usent de cette violence pour extérioriser leur mal-être. Ces deux situations sont très faciles à différencier. L’une pourrait être comparée à un match de boxe déséquilibré entre une brute épaisse et un poids plume, l’autre, telle une danse, suit un tempo et exige un consentement mutuel », explique-t-elle.
Et de conclure : « les adeptes de cette pratique que j’ai eu l’occasion de rencontrer sont, pour la plupart, parmi les plus équilibrés. Leur rapport aux autres est aussi extrêmement sain. Autant d’éléments qui me permettent de dire que, sur ce sujet, les organisations qui montent au créneau ne savent vraiment pas de quoi elles parlent ».
Malgré tout, ces dernières ont appelé au boycott du long-métrage, qui sera interdit aux moins de 17 ans outre-Atlantique. Réunies derrière le slogan #50dollarsnot50shades, elles invitent les spectateurs potentiels à faire des dons de 50 dollars à des foyers pour femmes battues ou à toute autre œuvre caritative, plutôt que de dépenser cette somme en places de cinéma, popcorn et boissons. Parallèlement, une pétition appelant également à bouder le film circule sur le Web. Elle a pour l’heure récolté quelque 51 000 signatures. Sauf erreur, en France, aucune action de cette envergure n’a pour l’heure été lancée.
I’m supporting the #50DollarsNot50Shades campaign pic.twitter.com/SxZc2sZkLb
— kristalsmile (@kristalsmile) 5 Février 2015