La fameuse position du missionnaire, également pratiquée par les grands singes, a été ainsi nommée lorsqu'en 1920, sur une plage de Malaisie, le pasteur Irving Swift et son épouse ont fait l'amour sur la plage, pensant être seuls. Les autochtones, stupéfaits par cette position qui leur semblait absurde, la baptisèrent ainsi. Comment les Européens pouvaient-ils adopter une position qui comprime tant la partenaire et la bloque dans tous ses mouvements ? Pour eux, la pratique la plus courante consistait à faire l'amour accroupis, l'homme et la femme pouvant ainsi faire des mouvements avant et arrière librement.
Si les Grecs, les Romains, les Chinois et les Japonais pratiquaient la position du missionnaire depuis de nombreux siècles, leurs positions préférées semblaient être la femme en Amazone sur l'homme, ou en levrette ; sauf dans la Chine ancienne, où l'on pensait qu'il était préférable que l'homme soit au-dessus, car une croyance voulait que les hommes naissent la tête vers le bas et les femmes la tête vers le haut. Cette même position était prisée par les tribus Kerala, en Inde, parce qu'ils considéraient que c'était la seule façon de concevoir des guerriers. Pour une partie des Africains (Congo, Guinée, Gabon…), on fécondait en se couchant sur le flanc, l'homme à droite et la femme à gauche, levant sa cuisse droite, pour que son partenaire puisse glisser son bassin entre ses cuisses. Dans ce joyeux tour du monde des galipettes, il faut aussi ajouter que les Indiens Bororos du Brésil trouvaient insultant que l'un des deux partenaires fut au-dessus, tandis qu'à Bali on estimait bien maladroit l'homme qui se mettait sur sa compagne : il fallait plutôt pratiquer la position dite « Océane » où la femme est allongée sur le dos, les jambes relevées et en appui sur les épaules du partenaire, ainsi la femme pouvait envoyer au diable celui qui ne la satisferait pas. Les Péruviens étaient également adeptes de cette position. On sait par les poteries que trois mille ans avant J-C les Grecs préféraient la levrette, mais ils se sont tournés vers la position du missionnaire au IIe siècle après J-C, lorsqu'un philosophe décréta cette position comme la seule propice à ne pas perdre de sperme et à asseoir la domination de l'homme.
Selon l'historien Robert Francoeur, entre le XIVe et le XVIe siècle, les missionnaires en poste en Afrique et dans les îles du Pacifique, enseignèrent aux « sauvages » cette position qui ne portait pas encore son nom, car ils jugeaient toutes les autres bien trop bestiales. Après tout, c'était l'enseignement de St-Paul, qui souhaitait que les femmes soient soumises à leurs maris, la meilleure des soumissions fût qu'elles soient immobilisées par le poids du corps de leur mari, incapables d'initiatives. Les missionnaires brodaient ensuite quelques nouvelles preuves de la véracité des propos : Eve a été conçue après Adam, voilà qui justifie qu'une femme ne puisse jamais être au-dessus de son époux. Mais comment des moines célibataires pourraient-ils prodiguer de si « bons » conseils, eux qui étaient tenus à l'écart de toute pratique sexuelle et ignorants de la chose ? Peut-être, selon certains anthropologues, est-ce l'influence d'une communauté irlandaise, les Inis Baeg, colonisée il y a fort longtemps par les missionnaires et n'ayant jamais pratiqué ni préliminaires, ni autres positions.
Lorsqu'en 1948, est diffusée la première étude sur les pratiques sexuelles des Américains, Alfred Kinsey révèle que 70% des hommes n'ont jamais fait l'amour autrement que dans la position du missionnaire, celle qu'en Toscane on appelait plus élégamment la « position de l'ange ».
Faut-il en conclure que les hommes, en Occident, impriment leur goût de la puissance jusque dans leurs ébats ? C'est vraisemblable. Et la tendance depuis quelques décennies à élargir l'éventail des positions, pourrait bien alors être une autre manière de partager le pouvoir entre les deux sexes. Un bon débat lors de vos prochains ébats.
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