L'eurodéputé frontiste Dominique Martin et le sénateur Les Républicains Jean-François Mayet ont beau siéger dans deux chambres distinctes et être de bords politiques différents, il y a un point sur lequel les deux élus semblent être plutôt d'accord : celle de la place des femmes dans le monde professionnel.
Alors qu'en mars dernier, Dominique Martin créait la polémique en soutenant lors d'une commission au Parlement européen que pour "libérer des emplois", il faudrait laisser aux femmes "la liberté de ne pas travailler" et de "rester chez elles", c'est au tour de Jean-François Mayet de tenir des propos hallucinants de sexisme.
Mercredi 15 juillet, alors qu'il assistait à une réunion de commission ayant pour objet l'aménagement du territoire et le développement durable , l'élu de 75 ans, par ailleurs maire de Châteauroux, a donné son avis sur les causes de la désertification médicale en France. Invoquant d'abord le refus des jeunes médecins de se "contenter de gagner 3 500 à 4 000 euros par mois après dix ans d'étude", Jean-François Mayet entre ensuite dans le vif du sujet :
"Une autre cause est la féminisation, puisque 75 % des nouveaux diplômés sont des femmes. Or nonobstant l'égalité, elles sont quand même là pour faire des enfants..."
Assistant elle aussi à la commission, la sénatrice UDI Chantal Jouanno aussitôt repris vertement Jean-François Mayet : "Elles ne sont pas là pour faire des enfants. Elles font des enfants, c'est différent !"
Ce qui n'a pas découragé son confrère. Le sénateur a alors poursuivi : "En effet. Mais ce n'est pas à 50 ans qu'elles en feront. Ma fille a fait des enfants à 41 et à 42 ans : gérer deux enfants en bas âge en même temps qu'une carrière de médecin, ce n'est pas une sinécure !"
Repérés par RTL, les propos tenus par Monsieur Mayet ont fait bondir les politiques à gauche de l'échiquier politique. Kaltoum Benmansour, conseillère régionale PS, a ainsi fustigé les "discours d'un autre âge" du sénateur tandis que sur sa page Facebook, le Premier fédéral PS de l'Indre Tony Ben Lahoucine a déclaré : "Le sénateur Mayet avait voté contre le mariage pour tous ; il avait orchestré l'implantation des intégristes de Civitas durant son mandat de maire à Châteauroux... Réactionnaire, il l'était déjà par ses votes et ses choix politiques, sa dernière déclaration au Sénat le range maintenant comme sexiste. Lamentable !"
Même son de cloche du côté du NPA. Contacté par La Nouvelle République, le porte-parole du NPA 36 Antoine Godon estime que "cette phrase aurait pu être tirée d'un ouvrage relatant la condition des femmes sous le régime de Vichy. Mais cette phrase a bien été dite en 2015 par le sénateur Jean-François Mayet à l'occasion d'un débat sur la loi santé. Alors dérapage ? Certainement pas. L'ancien maire de Châteauroux n'en est pas à sa première phrase choc surtout quand il s'agit de promouvoir sa vision archaïque de certains sujets."
Quant à la sénatrice EELV Esther Benbassa, elle considère que la tenue de tels propos mériteraient "la levée de l'immunité parlementaire". "C'est indigne d'un représentant de la nation. [...] Il est encore au 18ème siècle ! Dire ça aujourd'hui, en 2015, c'est une aberration! Nos collègues sénateurs devraient sortir dehors et voir ce qui se passe dans le monde. S'ils restent attachés à ces préjugés, on n'ira pas loin!", a-t-elle déclaré ce matin à Publicsenat.fr.
Pour autant, pas question pour Jean-François Mayet de présenter ses excuses ni même de nuancer ses propos. Joint par La Nouvelle République, le sénateur de l'Indre se dit même surpris des réactions provoquées par sa sortie. "Ce n'est pas l'essentiel de mon message. Mais c'est une réalité, la profession se féminise. Et pour les femmes, passer 10, 12, 15 heures par jour au travail, c'est chaud quand elles doivent faire et élever leurs enfants. D'ailleurs, c'est en souriant que Chantal Jouanno m'a répondu. Ce n'était pas une discussion philosophique et si c'était à refaire, je retirerais peut-être un mot. Mais encore une fois, retirer une phrase du débat ne permet pas d'en avoir une vision juste."
D'ailleurs, relève le site Les Nouvelles News, les chiffres avancés par le sénateur sur la féminisation de la profession de médecin sont totalement erronés. Dans un rapport sur les inégalités de répartition territoriale des professions médicales datant de 2013 et cité par le pureplayer, il est en effet fait mention de "42% de femmes" médecins inscrites auprès de l'Ordre. En 2014, elles constituent 58% des nouveaux inscrits, et non 75% comme l'affirme Jean-François Mayet.
Quant à la féminisation responsable de la désertification médicale qu'avance le sénateur, c'est tout simplement faux. C'est L'Ordre des médecins lui-même qui l'indique dans son édition 2015 de l'Atlas de la démographie médicale : "La féminisation de la profession est-elle 'responsable' de la désertification ? Les chiffres démontrent le contraire", les jeunes femmes étant les premières à exercer en libéral. "Parmi les jeunes médecins âgés de moins de 40 ans, qualifiés en médecine générale, 60% sont des femmes qui ont fait le choix d'exercer en secteur libéral/mixte", note l'Ordre des médecins. On attend désormais la réponse (les excuses ?) de Jean-François Mayet.