Claudette Colvin est une adolescente vivant dans l'Alabama de l'après-guerre, un Etat américain où noir·es et blanc·hes sont séparé·es dans tous les aspects de la vie publique. Les magasin, les quartiers, le travail, les restaurants, jusque dans les bus.
Dans les transports publics, les places sont catégorisées. Si il n'y a plus de places pour les blanc·hes, même pour une seule personne, les noir·es doivent se lever et laisser toute une rangée de leurs fauteuils.
Mais un jour de 1955, Claudette Colvin, 15 ans, refuse de se lever pour laisser sa rangée à une blanche dans un bus de Montgomery. La police est appelée. Claudette est violentée par les policiers puis jetée en prison. La NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) y voit un cas pour plaider contre la ségrégation au niveau national.
A son procès, elle sera finalement reconnue coupable de trouble à l'ordre public, de violation de la loi et agression contre les forces de l'ordre. C'est un peu avant son procès qu'elle rencontre Rosa Parks, qui, pour le compte de la NAACP, s'occupe de recueillir et compiler tous les témoignages de noires ayant subi des violences sexuelles dont des viols élevés au rang de système d'oppression.
Puis vient le jour où Rosa Parks quelques mois plus tard, en décembre 1955, refuse elle aussi de laisser sa place. Les femmes noires de Montgomery lancent la lutte en distribuant des tracts. Rosa Parks a un profil de femme parfaite : douce, bien habillée, respectable. Elle est l'icône parfaite pour lutter contre la ségrégation. Claudette tombe dans les oubliettes.
L'histoire des femmes noires dans la lutte pour les droits civiques aux États-Unis est une longue liste d'invisibilisations. La double peine pour celles qui sont à la fois noire et femme.
Pourtant, elles furent en première ligne pour lutter contre l'esclavage, contre la ségrégation. Claudette Colvin fut l'une d'entre elles. Invisibilisée paradoxalement par une autre invisibilisée, Rosa Parks.
Parce que si tout le monde sait que Rosa Parks ne s'est pas levée dans le bus, personne n'est capable de citer une seule de ses paroles. Elle n'est qu'une icône silencieuse dont on a oublié jusqu'à la réflexion et l'idéologie.
Claudette Colvin, elle, fut silenciée tout court. Elle n'a même pas eu le statut d'icône. Ce n'est que très récemment que son histoire a refait surface.
C'est ce qui est raconté dans la bande dessinée Noire de la dessinatrice Emilie Plateau. Elle raconte la vie méconnue de Claudette Colvin, en se basant sur le livre que lui avait consacré Tania de Montaigne en 2015.
On aime beaucoup le dessin en apparence simple d'Emilie Plateau, mais aussi son sens du scénario. Elle nous emmène dans le sud des États-Unis de l'époque, nous prend par la main pour nous porter dans les paysages chauds de l'Alabama, pour nous expliquer la vie insupportable d'une personne noire dans les années 1950 outre-Atlantique.
Cette bande dessinée permet également de découvrir une femme qui a osé dire non malgré tous les dangers. Elle est à mettre dans les mains de lecteurs et lectrices de tous les âges.
Notre seul regret à la lecture de cette très bonne BD est la mise en concurrence des invisibilisations entre Claudette Colvin et Rosa Parks, qui mérite en toute sororité, que l'on parle d'elles.
Si vous aimez découvrir les histoires de femmes oubliées de l'Histoire et si vous souhaitez comprendre pourquoi. Si l'Histoire des États-Unis vous intéresse et si vous voulez soutenir la mémoire de ces héroïnes qui se sont battues en silence pour les droits du plus grand nombre.
Noire- la vie méconnue de Claudette Colvin, Emilie Plateau, Dargaud, 18€