Elle n'a que 35 et pourtant Doris Martel est une référence aux Etats-Unis. Cette Martiniquaise née à Vitry-sur-Seine, passée par les tapis de gymnastique rythmique et après plusieurs titres de championne de France, est aujourd'hui passée de l'autre côté : celui de la préparation physique. La jeune femme habite désormais à Los Angeles et officie dans l'une des équipes les plus performantes, celle des NBA Los Angeles Clippers. Pour avoir cette chance, Doris Martel n'est pas passée par les grandes écoles parisiennes et n'avait encore jamais tordu un corps dans tous les sens avant son arrivée aux Etats-Unis. Pourtant, aujourd'hui, les joueurs ne peuvent se passer d'elle.
C'est suite à une grosse blessure au genou que tout change pour la Française. Alors que l'on peut voir une blessure dans la carrière d'un sportif comme un échec, Doris a préféré s'en inspirer. Sa rééducation fut longue et douloureuse mais ne fut possible que grâce à des massages prodigués par un spécialiste. Ce fut le point de départ d'une nouvelle carrière pour Doris : elle voulait soigner par le toucher.
En parallèle, elle fait plusieurs allers-retours entre la France et les Etats-Unis, courant 2006, pour finalement tomber amoureuse de ce pays et décider de s'y installer. Mais l'American Dream n'est pas aussi idyllique que ce que l'on pourrait croire. "Là-bas, c'est marche ou crève", explique Doris. Il a donc fallu s'imposer et tenter de s'en sortir par tous les moyens, en enchaînant les petits jobs comme prof de fitness, de français ou encore nanny.
Malgré tout, cette battante ne perd jamais de vue son objectif premier : celui de devenir kinésithérapeute. Alors qu'elle n'a aucun diplôme dans le domaine - Doris est issue d'un cursus littéraire et est détentrice d'une maîtrise en communication et médiation culturelle - et faute de moyens, elle décide de suivre des cours de kinésithérapie mais en auditeur libre. Pas de diplôme donc, mais toutes les connaissances quand même. Par la suite, elle passe une formation en massage pour décrocher une licence et avoir légalement le droit de travailler sur le corps.
Peu de temps après, elle fera la rencontre de deux hommes qui seront les leviers de sa grande carrière : Marko Yrjovuori, le kiné des Lakers (l'autre gros club de basket de Los Angeles) et Ronny Turiaf, pivot français de l'équipe des Los Angeles Clippers à l'époque. Tous deux décident de lui faire confiance et la présente au staff des Clippers. En 2012, Doris Martel commence alors à travailler pour l'équipe de la NBA, en tant thérapiste neuromusculaire. Un parcours atypique qui ne fut pourtant jamais un frein dans sa carrière. "Ce qui compte et a toujours compté, c'est mon savoir et le résultat. On ne m'a jamais demandé mes diplômes, mais plutôt avec qui j'avais travaillé et quelles étaient mes compétences".
Mais la force de Doris Martel, ce n'est pas seulement ses prouesses en tant que masseuse et sa persévérance, c'est aussi son sexe et sa couleur de peau. Elle est l'une des seules femmes (et de surcroît la seule femme noire) préparatrice physique d'une équipe de basket aux USA. Un statut dont Doris est très fière, même si elle avoue que cela n'a pas toujours été facile. "On s'est souvent demandé comment j'étais arrivée à ce poste. On m'a mis des bâtons dans les roues et on m'a beaucoup regardé de haut. Au final, mes compétences ont parlé pour moi. Saison après saison, j'étais toujours là. J'ai forcé le respect".
Au sein de la NBA, le travail de Doris est primordial. Loin de l'image que l'on peut se faire du kiné en France - par ailleurs ce terme n'existe même pas dans les franchises NBA -, la jeune femme est ce qu'on appelle là-bas une soft tissue therapist (comprendre "thérapeute de tissu mou"). Pour permettre aux joueurs d'être à leur maximum les jours de match, Doris s'inspire de plusieurs méthodes : la kinésithérapie, la massothérapie mais également la fascia et neuromusculo-thérapie. L'objectif étant de permettre aux sportifs de récupérer après un match mais également de booster leurs performances et leurs aptitudes sur le terrain.
Au-delà de ce rôle de médecin, c'est un réel lien qui lie la Française aux joueurs : "J'endosse à la fois la casquette de maman, de grande soeur, de confidente mais aussi de psy improvisée. Je les soigne, je les écoute et je les soutiens." Et certains joueurs vont même jusqu'à refuser d'entrer sur le terrain, s'ils ne sont pas passés entre les mains de la spécialiste.
Un lien fort, essentiel, entre un sportif et toute l'équipe médicale qui l'entoure pour lui permettre d'être bien tant physiquement que mentalement. Et plus une équipe est en bonne santé, plus elle a de chance d'aller loin dans le championnat. Il faut dire que, grâce à elle, les Clippers est la franchise NBA qui a le moins de joueurs blessés. Il semble alors que l'on entende parler de Doris Martel durant encore plusieurs années.