On dit souvent que les couples finissent par se ressembler. On copie les expressions de l'autre, on s'inspire de sa garde-robe, on calque ses goûts musicaux sur lui... bref, on pioche un peu dans ses traits de personnalité. Si ce comportement prête généralement à rire, les résultats d'une récente étude tendent à montrer que cet effet miroir peut aussi avoir un effet très négatif sur l'individualité d'une personne. Des chercheurs de l'Université de l'Illinois aux Etats-Unis et de l'Université d'Auckland en Nouvelle-Zélande, viennent ainsi de révéler que les femmes en couple avec un homme sexiste avaient malheureusement de fortes chances de le devenir à leur tour.
Dans leur étude publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology et relayée par le site Fusion, les chercheurs expliquent que si les origines familiales et la culture entrent bien évidemment en compte dans les convictions d'une femme concernant l'égalité des sexes, elle peut aussi être largement influencée par l'opinion et les croyances de son homme. Pour arriver à cette conclusion, ils ont mené quatre études sur 1 000 participants engagés dans de longues relations amoureuses.
Les deux premières études se sont intéressées à des couples hétérosexuels ensemble depuis environ 2 ans et demi et âgés de 17 à 48 ans. Le premier groupe a été étudié sur une période de 9 mois, et l'autre sur une période d'un an, ce qui a permis aux chercheurs de se rendre compte si les opinions des hommes et femmes évoluaient avec le temps. Les deux dernières études concernaient des personnes engagées dans des relations entre 6 mois et 42 ans et âgées de 19 à 70 ans.
Les participants ont été invités à mesurer leur propre niveau de sexisme ainsi que celui de leur partenaire. Puis, les chercheurs leur ont demandé d'évaluer le type de sexisme de leur partenaire : bienveillant ou hostile ? Faire la différence entre les deux est important puisque comme l'indiquent les auteurs de l'étude, le sexisme hostile est l'idée que "les femmes cherchent à prendre le pouvoir sur les hommes", tandis que le sexisme bienveillant est moins évident à percevoir. Ce dernier estime ainsi que "les femmes sont des petites choses qui doivent être protégées par les hommes". Mais attention, le deuxième cas de figure serait en fait le plus dangereux.
Matthew Hammond, l'un des auteurs de l'étude également chercheur en psychologie sociale, explique ainsi que le sexisme bienveillant est plus insidieux parce qu'il ne considère pas la femme comme une menace mais bel et bien comme le sexe faible. Il estime : "Cette forme de sexisme peut sembler positive et attentionnée mais c'est en fait celle qui est le plus préjudiciable à l'égalité des sexes". Ainsi, d'après l'étude, les femmes qui font face chaque jour au sexisme bienveillant de leur partenaire et qui l'acceptent, vont plus facilement se sentir incompétentes, ne vont pas forcément ressentir le désir d'avoir du succès au travail, d'être indépendantes, et seront aussi plus prompt à juger et stigmatiser les autres femmes – ce qui inclut bien sûr le slut shaming.
Le sexisme hostile ayant tendance à faire fuir les femmes, c'est donc la forme bienveillante de cette discrimination qui a été étudiée ici. Lors de la première étude, les chercheurs se sont rendu compte que non seulement les femmes approuvaient les valeurs de leurs partenaires, mais que leur approbation du sexisme bienveillant augmentait considérablement sur la période des neuf mois. La deuxième étude a révélé quelque chose d'assez intéressant – quoique légèrement déprimant. Ici, les scientifiques ont remarqué que les femmes qui avaient conscience du sexisme de leur homme pouvaient se montrer elles-mêmes beaucoup plus sexistes que celles qui ne percevaient pas ce trait de caractère chez leur partenaire. Qui plus est, celles qui ne se rendaient pas compte tout de suite être en couple avec un macho finissaient par rejeter le sexisme bienveillant au fil du temps.
Les deux dernières études ont permis aux chercheurs de faire une petite expérimentation. Les participants ont été partagés en deux groupes. S'ils ont tous reçu un article sur le sexisme dans le couple supposément publié dans Psychology Today, le fond de l'article différait selon le groupe auquel il avait été distribué. Ainsi, le premier article expliquait que les gens avaient tendance à sous-estimer le sexisme de leur partenaire, tandis que le second article racontait exactement l'inverse. Comme ils s'y attendaient, les chercheurs ont découvert qu'après lecture, les femmes qui avaient tendance à croire que leur partenaire était plus sexiste qu'elles ne le pensaient élevaient à leur tour leur niveau de discrimination. En d'autres termes, elles devenaient encore plus sexistes sur de simples suppositions.
Désobéir au sexisme
Matthew Hammond et les autres auteurs de cette étude globale se sont alors demandés : "Pourquoi les femmes approuvent-elles des comportements qui renforcent l'inégalité entre les sexes, qui portent atteinte à leurs compétences et à leur réussite professionnelle, qui réduisent la résistance des systèmes sociétaux, et qui donc les désavantagent ?"
Leur théorie est simple. Si certaines femmes acceptent le sexisme bienveillant au sein de leur couple, c'est généralement parce qu'elles sont à la recherche de la sécurité. Mais alors qu'elles ont l'impression d'en retirer des bénéfices, elles deviennent en fait les subordonnées de leur partenaire. Leur existence se résume au bonheur de leur homme, mais de son côté, ce dernier prend la place de "chef" dans le couple. L'étude conclut : "Les femmes engagées dans des relations intimes avec des hommes sexistes contribuent à la maintenance des attitudes stéréotypées et d'une société où l'inégalité des sexes est encore trop présente".
Notons qu'à l'inverse des femmes, les hommes ayant participé à l'étude n'ont pas montré d'évolution dans leurs valeurs selon les réponses de leur partenaire. Sexistes jusqu'au bout.