Marika Mathieu* : Des rumeurs sont à l'origine des rumeurs et ne sont pas au cœur d'une enquête politique, surtout quand il s'agit de données relatives à la vie privée. Il n’est pas marié et vit dans un appartement qu’il vient tout juste de refaire, d’après ce qu’il m’a dit.
M.M : C'est là que les choses se compliquent. Geoffroy Didier a un parcours fluctuant sur la question. En 2007, en tant que porte-parole du mouvement dit « des sarkozystes de gauche », intitulé « La Diagonale » (club de soutien pour l’élection présidentielle de Nicolas Sarkozy fondé par Thierry Coudert, favorable au mariage), Geoffroy Didier se déclarait en faveur du mariage homosexuel. La Diagonale était en effet un club très ouvert à la communauté gay et quelques-uns de ses meetings se sont d’ailleurs tenus dans la boîte de nuit des Bains Douches.
Depuis, tout a changé dans la vie de Geoffroy Didier. Il a co-fondé avec Guillaume Peltier la Droite forte, mouvement sarkozyste très à droite de l’UMP. Il s'est illustré par une position radicalement fermée contre le mariage des couples homos, engagée dans la mobilisation militante autour de la Manif pour Tous. La Droite forte est devenue l’emblème de l’UMP jurant pouvoir revenir sur la loi Taubira par voie de référendum. C’est au nom de cette « conviction » que Guillaume Peltier s’est lancé dans une attaque frontale de Nathalie Kosciusko-Morizet dans le cadre des primaires parisiennes, Geoffroy Didier affichant de son côté clairement son soutien au candidat Pierre-Yves Bournazel, soi-disant au nom de l’opposition de celui-ci au mariage gay (elle aussi fluctuante selon les époques).
Au cours de nos entretiens, Geoffroy Didier m’a indiqué ne pas être personnellement « contre la reconnaissance de l’amour homosexuel », ni « contre une forte égalité des droits », mais attentif « à la préservation du mariage comme institution sociale ». Le positionnement de la Droite forte sur le flanc droitier de l’UMP, à la limite du FN, a sans doute contribué à durcir son discours sur le sujet, de manière à capter l’électorat conservateur.
M.M. : Cette polémique intervient à un moment très sensible pour Geoffroy Didier qui, non élu sur son nom, a justement engagé son (maigre) crédit et son influence au sein de l’UMP dans l’opposition au mariage gay. Un outing forcé n’est jamais bon, mais pour un homme politique, secrétaire général adjoint de l’UMP, en pleine ascension au cœur de l’électorat catholique traditionnel, cela devient un risque majeur d’explosion en plein vol.
M.M. : La rhétorique de la Droite forte est fondée sur la dénonciation du « politiquement correct », de la « pensée unique », des élites et des journalistes à qui elle s’adresse cependant le plus souvent possible. Geoffroy Didier tente de ramener cette polémique à cette mise en scène d’affrontement et de bataille pour la liberté de penser à droite. La vie privée de Geoffroy Didier est bien une affaire privée, mais son discours exalté sur le plan des « valeurs » peut l’amener à devoir clarifier les siennes, sans s’abriter derrière la dénonciation d’un « système fasciste » qui ne refuse à personne le droit d’être homosexuel (ni même de se marier !). N’oublions pas que la Droite forte se targue d’incarner la droite « sans tabou ».
* Auteur de "La Droite forte : année zéro - Enquête sur les courants d'une droite sans chef" aux éditions de La Martinière