C'est le scandale politique qui a ébranlé le gouvernement ce week-end. Samedi 27 janvier, Le Monde a publié un article dans lequel on apprenait que le ministre Gérald Darmanin faisait actuellement l'objet d'une enquête préliminaire après une accusation de viol.
Selon le quotidien, les faits remontent à 2009 lorsque la plaignante, Sophie Spatz, a sollicité l'aide de Gérald Darmanin pour faire annuler une condamnation prononcée en 2004 pour des faits de chantage à l'égard de son ancien compagnon. Alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l'UMP, Gérald Darmanin aurait accepté de l'aider en intervenant auprès de la chancellerie si elle cédait à ses avances sexuelles. "Il va falloir m'aider, vous aussi", lui aurait-il dit avant de l'emmener dans un club liberté puis à l'hôtel, où "elle avait dû finir par s'y plier", a déclaré l'avocat de Mme Spatz, Me Tuaillon-Hibon.
Toujours d'après Le Monde, Gérald Darmanin avait déjà fait l'objet d'une enquête préliminaire en juin 2017 après un premier dépôt de plainte de la part de Sophie Spatz. Cette dernière ne s'était cependant pas rendue aux convocations des enquêteurs, contraignant le parquet à ordonner un classement sans suite. De son côté, Gérald Darmanin avait lui aussi déposé plainte pour dénonciation calomnieuse et annoncé par la voix de son avocat que les accusations dont il fait l'objet "ne traduisent qu'une intention de nuire."
Dès l'annonce de l'ouverture de l'enquête préliminaire samedi, Matignon a fait savoir que Gérald Darmanin conservait "toute la confiance" d'Édouard Philippe. "M. Darmanin a été d'une totale transparence vis-à-vis des faits", assure le Premier ministre, qui compte donc maintenir le ministre de l'Action et des Comptes publics à ses fonctions.
Inadmissible pour des militant.e.s féministes qui ont lancé, ce dimanche 28 janvier, une pétition en ligne afin de réclamer que Gérald Darmanin. Dénonçant notamment le "deux poids, deux mesures" et faisant valoir que Richard Ferrand, François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard avaient été "immédiatement poussés vers la sortie" lorsqu'ils ont été soupçonnés de favoritisme dans une affaire immobilière ou d'emplois fictifs, Madeline Da Silva, Elliot Lepers, Clara Gonzales et Marie Cervetti interpellent donc directement Édouard Philippe afin qu'il revienne sur sa décision. "Être visé par une enquête préliminaire pour un crime sexuel serait donc moins grave ?", demandent les quatre militants, qui ont pour le moment obtenu près de 2 500 signatures sur les 5 000 escomptées.
"Le gouvernement a pourtant voulu faire de la lutte contre les violences la priorité de son quinquennat, Emmanuel Macron et Édouard Philippe l'ont répété. Comment y parvenir si un de leurs ministres est accusé de viol ? La justice doit pouvoir faire son travail. Le gouvernement aussi", rappellent-ils.
"Nous, on pense que le gouvernement doit montrer l'exemple. La question qu'on pose à Monsieur Édouard Philippe, c'est : 'Est-ce qu'un viol est un crime qui lui paraît moins grave que des malversations immobilières ou des emplois fictifs ?'", s'interrogeait ce lundi matin Elliott Lepers. Interrogé par FranceInfo, il soulignait que la démission de Gérald Darmanin était "une question de cohérence" pour un gouvernement se disant engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Si pour le moment, donc, l'éviction de Gérald Darmanin du gouvernement n'est pas à l'ordre du jour, l'enquête préliminaire le visant occasionne un certain malaise chez ses consoeurs et confrères. Invitée ce lundi matin sur France Inter, Marlène Schiappa a refusé de se prononcer sur la possible démission de Gérald Darmanin ou sur le soutien affiché du Premier ministre. "Je suis très attachée à ce principe fondateur de la démocratie qui est la séparation des pouvoirs. Moi j'appartiens au pouvoir exécutif, et il y a un pouvoir judiciaire. Je pense qu'il est important que le pouvoir judiciaire puisse travailler sereinement sans avoir telle ou telle déclaration qui pourrait être considérée comme une intervention et un non-respect de cette séparation des pouvoirs", a déclaré la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, qui a appelé à "laisser la justice faire son travail sereinement".
"Si Gérald Darmanin était mis en examen pour viol, bien évidemment, il devrait quitter le gouvernement, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la règle édictée par le président et par le Premier ministre", a ajouté Marlène Schiappa.
De son côté, l'ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol a jugé l'affaire "embarrassante" pour le gouvernement. "Les faits sont embarrassants pour le ministre des Comptes publics et plus globalement pour le gouvernement qui a inscrit l'égalité hommes-femmes au premier plan de ses projets pour le quinquennat ", a-t-elle jugé au micro de Radio J. "Il faut avoir deux choses en tête : d'une part le respect de la présomption d'innocence, et en même temps le respect de la parole de la plaignante. Cet équilibre exige de la justice de la rapidité ", a-t-elle ajouté.