Terrafemina : Vous êtes à la fois le réalisateur et le scénariste de Dark Places, adapté du roman de Gillian Flynn. Quelle a été la genèse du projet ?
Gilles Paquet-Brenner : J'ai lu le roman de Gillian Flynn dont est tiré Dark Places (Les lieux sombres, Éd. Sonatines, ndlr) au printemps 2010, pour lequel j'ai eu un vrai coup de coeur. Le roman, à mi-chemin entre le thriller noir et la peinture sociale, correspondait parfaitement à mes envies de l'époque. On a donc commencé le processus pour acquérir les droits. Ça a pris un petit peu de temps, mais on a fini par y arriver ! Et puis ensuite on a beaucoup parlé avec Gillian, elle m'a emmené à Kansas City (où se déroule l'histoire, ndlr), elle m'a fait découvrir le monde qu'elle dépeint dans le roman. Je me suis ensuite attelé au travail d'adaptation. J'ai fait lire à Gillian différentes versions du scénario pour être sûr de bien retranscrire l'essence du livre.
Tf : Dark Places est très fidèle au roman de Gillian Flynn. Comment s'est déroulé le travail d'adaptation ? Avez-vous travaillé en collaboration étroite avec Gillian Flynn ou vous a-t-elle laissé carte blanche ?
G. P-B. : Gillian Flynn m'a fait entièrement confiance pour l'adaptation de son roman, j'ai eu beaucoup de chance. Avant de céder ses droits, nous avons longuement discuté tous les deux de la vision que j'avais de son récit, de ce que je voulais en faire. À partir du moment où elle a été rassurée sur mes intentions, elle m'a laissé travailler dans mon coin. Je lui ai évidemment envoyé différentes versions du scénario, mais davantage pour avoir son avis, pour bénéficier d'un regard extérieur. Elle m'a laissé faire les choses comme je l'entendais.
Tf : Vous réunissez dans Dark Places un casting 4 étoiles : Charlize Theron, Christina Hendricks, Chloë Moretz, Nicholas Hoult, Tye Sheridan... Vous attendiez-vous à réunir autant d'acteurs talentueux ? Comment les avez-vous persuadés de rejoindre le projet ?
G. P-B. : Est-ce que je m'attendais à une telle distribution ? Franchement non, surtout quand le projet a débuté il y a cinq ans. Après évidemment, il y a eu le succès en librairie des Apparences, l'annonce de l'adaptation par David Fincher, ça a suscité beaucoup d'intérêt autour du projet. C'est là que Charlize est arrivée. Je n'ai même pas eu à la convaincre. On s'est rencontrés, on a parlé pendant une ou deux heures, on a confronté nos visions sur l'adaptation du roman et vu comment on pourrait éventuellement travailler ensemble. Et puis une fois qu'elle a été d'accord pour se joindre à nous, ça a été beaucoup plus facile pour convaincre les autres comédiens de participer car ça devenait un projet assez attractif. Du coup ensuite, c'était les agents eux-mêmes qui nous appelaient pour nous proposer tel ou tel comédien. C'est vrai que les choses se sont très bien goupillées.
Tf : Dans Dark Places, le personnage de Libby, interprété par Charlize Theron, tente de se reconstruire après un terrible traumatisme : le meurtre de sa famille. C'est un personnage intense, solitaire et asocial. Comment s'est déroulé le travail avec Charlize pour la construction du personnage ?
G. P-B. : Charlize a une position un peu atypique dans le monde des stars hollywoodiennes. Il y a évidemment la Charlize égérie de Dior, qui joue dans de très grosses productions comme Prometheus ou Mad Max, qui est une grande star internationale. Mais c'est aussi une actrice très exigeante, qui aime prendre des risques, et qui n'hésite pas à incarner des personnages qui ne sont pas forcément très sympathiques. C'est le cas ici, avec le personnage de Libby. C'est le genre de rôle qu'elle aime bien manipuler, sans doute parce qu'elle s'en sent proche. Je ne crois pas qu'on ait tellement parlé de la construction du personnage de Libby finalement, elle avait une idée, très, très claire de ce qu'elle voulait faire, et je pense qu'elle l'a bien fait.
Tf : Vous êtes un cinéaste français, à la carrière internationale. Comment se déroule le tournage sur un plateau américain ? Est-ce très différents des tournages en France ?
G. P-B. : En soi, le tournage ne diffère pas vraiment. Il y a certes des éléments culturels à prendre en compte, mais ça reste assez anecdotique. À mon sens, c'est assez facile de s'adapter. En revanche c'est vrai que dans les films américains, il y a beaucoup de producteurs, beaucoup de personnes impliquées, qui nous bombardent d'avis. C'est notamment le cas en post-production, à l'étape du montage du film, où il faut savoir se montrer parfois un peu politique. Ça n'a pas été facile, mais j'ai fini par les convaincre de ma version du film, qui ressemble à ce que j'avais en tête.
Tout le monde a la tentation de comparer ce film à Gone Girl. D'abord, je pense que les deux histoires sont très différentes, et ensuite, on ne parle quand même pas du tout des mêmes moyens. Gone Girl, c'est 80 jours de tournage pour 60 millions de dollars de budget. Dark Places, c'est 25 jours de tournage pour 12 millions de dollars de budget. Donc il faut savoir aussi de quoi on parle.
L'histoire de cette famille pauvre dans un Kansas très rural m'intéressait déjà en tant qu'Européen, qui ne connaît pas forcément bien ce monde-là, et c'était intéressant de l'explorer en tant que réalisateur. Les personnages aussi m'ont fasciné. Il y a une galerie de portraits hauts en couleurs et complexes, avec aussi beaucoup de zones de gris. C'est certainement ce qu'il y a de plus intéressant à travailler.
Tf : Dark Places est sorti mercredi dernier en salle. Une fois la promotion terminée, quel sera votre prochain projet ?
G. P-B. : Pour l'instant, je ne fais que des films à l'international. Le seul dont je peux parler, c'est un projet d'adaptation de La maison biscornue d'Agatha Christie, que l'on tourne à Londres. Ça ne veut pas dire que je n'ai plus envie de tourner en France, simplement je n'ai pas encore trouvé de projet pour l'instant.
Dark Places, de Gilles Paquet-Brenner, avec Charlize Theron, Christina Hendricks, Chloë Grace Moretz et Nicholas Hoult. Actuellement en salles.