Bonne nouvelle ! L'édition australienne du magazine Elle a décidé de se positionner du côté des anti-censure en mettant une mannequin en train d'allaiter son fils en couverture du magazine. Mauvaise nouvelle : le magazine protège quand même ses arrières en créant une couverture alternative sans allaitement pour les kiosques et réserve l'autre version aux abonnées...
Dans la version non-censurée, on peut voir la mannequin australienne Nicole Trunfio portant son fils Zion dans les bras, en plein allaitement. Son autre sein est couvert par une veste et la photo n'a strictement rien de choquant, la mise en scène est soft et relativement prude - bref, pas de quoi s'offusquer.
La version censurée, elle, nous offre une autre vision de Nicole avec un grand sourire, portant son fils endormi dans une scène un peu plus figée.
On pensait avoir fait un pas en avant dans la la guerre contre la censure des scènes d'allaitement dans la vie quotidienne avec cette couverture, mais en choisissant de réserver cette vision aux abonnées du magazine, Elle s'est attiré les foudres de ses lectrices.
Face au déchaînement de commentaires enragés et pour tenter d'apaiser les tentions, Justine Cullen, la rédactrice en chef du magazine, a tenté de se justifier :
"Bien que l'allaitement n'ait rien de provoquant en soi, ça reste une image provocatrice pour une couverture de magazine de mode, et ça nous a aidés à contribuer au débat autour de la normalisation de l'allaitement et d'insister sur son importance."
La journaliste poursuit : "Les seules réactions négatives suscitées par cette image n'ont pas été provoquée par une désapprobation de la couverture, mais par ma décision de ne la rendre disponible qu'aux abonnées. La conclusion a été qu'en faisant ce choix plutôt qu'en l'envoyant dans les kiosques, nous renforçons l'idée que l'allaitement doit rester caché. Et pour moi, cet argument ne tient pas. Nous vivons dans l'ère des réseaux sociaux : nous n'avons jamais cherché à "cacher" cette couverture, peu importe où elle apparaît. (...)
Mais c'est effectivement une décision commerciale. Les magazines offrent une fantastique plateforme pour aborder des sujets importants et prendre parti, mais en fin de compte, ça reste un business. C'est mon boulot de vendre des magazines. C'est la couverture qui nous aide à vendre, et c'est pour cette raison, en tant que rédactrice en chef, que je choisis chaque mois la couverture qui touchera le plus de monde possible.(...)
Dans un monde idéal, personne ne trouverait problématique de voir une scène d'allaitement en couverture de magazine. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal. Les supermarchés représentent une énorme part de notre marché. Et tous les clients des supermarchés ne représentent pas notre cible démographique, et ils ne sont pas tous en mesure de saisir le message qui se cache derrière cette couverture.(...)
Si nous ne voulons pas rassembler tout notre business derrière un message, est-ce que ça veut dire qu'on ne devrait pas faire passer ce message du tout ? Ça me paraît un peu extrême. Les temps sont durs pour les magazines - on doit être plus malins que jamais, et ça veut souvent dire qu'on doit prendre moins de risques, moins prendre parti. Mais ça, c'est ennuyeux."
Si les arguments de Justine Cullen ont du sens, ça reste quand même difficile à avaler. Effectivement, les temps sont durs pour la presse papier, mais le risque était-il si grand ? Le magazine aurait-il vraiment souffert de manière irréversible s'il avait été boycotté par des clients offensés ? Ou au contraire, aurait-il bénéficié du buzz positif qui en serait ressorti et vendu tout ses exemplaires en un temps record ?
On ne le saura jamais, du coup, et on se contente de se réjouir de voir cette couverture circuler partout dans le monde suite à l'indignation des lectrices qui auraient aimé le voir trôner au milieu des rayons presse du supermarché.