Selon le New Yorker, tout est parti d’une lettre du numéro 2 du ministère russe de la Culture, Vladimir Aristarkhov, le 9 juin, deux jours avant l’ouverture du Moscow International Open Book Festival. Chaque année, ce festival moscovite du livre accueille de nombreuses manifestations, dont des pièces de théâtre. Le bras droit du ministre a donc averti les organisateurs: « Selon les informations à notre disposition, la pièce "L’Âme d’Un Coussin" ("The Soul Of A Pillow", ndlr) contient des éléments que l’on peut discerner comme étant de la propagande de l’homosexualité sur mineurs ». Mais ce n’était pas le seul spectacle du festival dans le viseur du ministère: « La pièce “Herbivores” contient de l’argot. Le contenu de ces deux pièces entre en conflit avec les valeurs morales traditionnelles acceptées dans la culture russe […] dans l’éventualité où ces éléments était conservés dans le programme, le Ministère de la Culture retirerait son soutien officiel de l’événement », affirme le haut fonctionnaire.
Voici ce que l'on trouve réellement dans « L’Âme d’Un Coussin »: on est dans une crèche, et les personnages sont des oreillers. Mais comme le rapporte le Figaro, l'un d'entre eux est différent. Au lieu d'être rembourré de plumes comme ses congénères, il est troué et fourré de cosses de blé noir. Il craint donc d'être jeté. Mais il finit par se lier d'amitié avec un petit garçon, solitaire, lui aussi. Vous allez dire: vient le moment où il y a quelque chose de bizarre. Pourtant c'est tout, l'histoire ne va pas plus loin. On imagine que pour rester dans les clous, il aurait fallu inventer un nom féminin à l'oreiller, ou faire en sorte que ce soit une petite fille qui se prenne d'amitié pour le polochon.
La sanction à venir semble ridicule, voire risible, et pourtant, les organisateurs ont accepté de retirer les productions de leur programme. Comme le relève le New Yorker: « Alors que le régime de Vladimir Poutine met en place de plus en plus de restrictions de la liberté d’expression, les russes réagissent dans une grande majorité des cas par la soumission et non par la résistance. Les organisateurs du festival n’ont pas fait exception ». Mais depuis, l’information s’est diffusée, et certains participants a tenu à exprimer leur indignation. Comme Novoe Literaturnoe Obozrenie, une maison d’édition réputée, qui a décidée de se retirer purement et simplement. Et de mentionner dans leur communiqué: « Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas réagir aux tentatives du Ministère de la Culture […] d’établir une censure, et de décider de ce qui est conforme aux “valeur morales traditionnelles Russes”».