Si l'on en croit la longue liste de best-sellers, catégorie " bien-être " ou " famille ", parus ces deux dernières années aux États-Unis, nous autres Françaises, sommes de vraies veinardes : l'élégance est inscrite dans nos gênes, nous sommes naturellement minces et avons des enfants sages comme des images. Et ce sont des Américaines, installées à Paris, qui l'écrivent. La grande prêtresse du genre s'appelle Mireille Guiliano. Cette Franco-Américaine, ancienne porte-parole de l'entreprise Veuve Clicquot aux États-Unis et actuelle cadre sup' chez LVMH a trouvé le filon en or : vanter le mode de vie " à la française ", du contenu de notre garde-robe à celui de notre assiette en passant par ce qui se passe sous notre couette. Après avoir publié en 2005 French Women Don't Get Fat (paru en France sous le titre Ces Françaises qui ne grossissent pas : comment font-elles ?) et French Women for All Seasons (Mincir au fil des saisons) l'année suivante, Mireille Giuliano vient de sortir ce 24 décembre French Women Don't Get Facelift (Les Françaises ne font pas de lifting). Comprenez : en vieillissant, les Françaises réussissent l'exploit de rester mince tout en parvenant à ne pas se soucier de leurs rides.
Mais la beauté et la santé ne sont pas les seuls domaines où les Françaises semblent exceller ou, du moins, réussissent bien mieux que les Américaines. Le thème de la sexualité (French Women Don't Sleep Alone) et surtout celui de l'éducation des enfants sont aussi plébiscités. Dans la lignée de Mireille Giuliano, les nouveaux gourous de l'éducation tricolore s'appellent Pamela Druckerman et Karen le Billon. Toutes deux ont publié en 2012 un ouvrage vantant les mérites de la french education : dans Bringing Up Baby (Bébé made in France) d'abord, Pamela Druckerman pointe les différences culturelles entre la France et les États-Unis, et aboutit à la conclusion que les enfants français sont mieux élevés et plus épanouis que leurs petits cousins américains. Quant à Karen le Billon, elle flatte la capacité des mères françaises à faire avaler à leurs enfants tout ce qui se trouve dans leur assiette - légumes verts compris dans son livre French Kids Eat Everything.
Mais cette avalanche de compliments, tous plus flatteurs les uns que les autres, est-elle vraiment méritée ? Pour la journaliste Franco-Américaine Hélène Crié-Wiesner, ces louanges sont à double tranchant. Sur son blog American Miroir, hébergé par Rue89, elle explique : " Inutile de préciser qu'au sein de la communauté française installée aux États-Unis, chaque nouveau bouquin suscite, au choix, gêne diffuse ou franche rigolade, qu'il s'agisse de la classe naturelle ou du style inné de ses femmes, de leur minceur légendaire, ou de la prétendue perfection de nos enfants. " Avant de poursuivre un peu plus loin : " Je trouve fascinant cet émerveillement américain pour une partie du modèle français - le glamour, les relations humaines, le rapport au plaisir -, alors même que l'autre partie - le dirigisme d'État, les relations travailleurs-patronat, le "socialisme" supposé - insupporte au plus haut point les citoyens de ce pays. "
Et il y a un point, en particulier, sur lequel les femmes françaises sont un peu à la traîne : l'égalité professionnelle. Interviewée à l'occasion de la parution de French Women Don't Get Facelift par le New York Times Magazine, Mireille Giuliano raconte : " J'ai beaucoup de jeunes amies françaises qui adoreraient venir travailler aux États-Unis. La France est encore un monde d'hommes. C'est pathétique de voir ce qu'on a besoin d'y faire pour obtenir une promotion, et même quand il est prouvé que les femmes font un meilleur boulot, ce sont presque toujours les hommes qui les obtiennent. Ce que je vois en France aujourd'hui, c'est ce qui se passait à New York il y a quinze ans. Mais il y a un revers à tout : ici, le monde du travail est terrible pour les femmes. La compétition est effrayante, et les femmes concèdent d'immenses sacrifices pour réussir. Elles sont pressées comme des citrons. "
En filigrane de cette critique à peine voilée du monde pro à la française, une amère constatation, qu'Hélène Crié-Wiesner résume ainsi : " Ce genre de femmes américaines, professionnelles avant tout et stressées à mort, auraient intérêt à emprunter aux femmes françaises, plus cools car de toute façon bloquées au boulot par le fameux plafond de verre, leur attitude décomplexée vis à vis du vieillissement [...] Dans le monde sans pitié du travail aux États-Unis, où aucune loi ne garantit les congés payés et les congés de maternité, il est plus difficile qu'en France de regarder sereinement son visage et son corps vieillir. "
VOIR AUSSI
Éducation en Chine : mamans tigres, rentrez vos griffes !
En Allemagne, être mère ou femme active, il faut choisir
Mères actives : un tiers a déjà pensé à tout quitter
Les mères doivent effectuer 26 tâches avant d'aller travailler
Gisele Bündchen fait de la pub pour l'allaitement (et c'est agaçant)