"C'est une belle journée, je vais me coucher, une si belle journée, qui s'achève, donne l'envie d'aimer, mais, je vais me coucher...". On connaît tous ce tube spleenétique de la grande Mylène Farmer, coécrit avec Laurent Boutonnat. Une évocation poético-ironique des idées suicidaires, sous son écrin pop.
La voix cristalline de l'extraterrestre de la chanson française - et sa mélancolique "Belle journée" - recouvre justement certains instants de "Ce qui ne nous tue pas", un seul en scène proposé par Mélanie Page au Théâtre Lepic jusqu'au 12 mai 2024. Sur les planches et sous la direction de Nicolas Briançon, la comédienne incarne un texte doux-amer coécrit avec l'auteur James Hindman.
Hospitalisée suite à une crise cardiaque, notre narratrice, dont le grand-père est mort d'un infarctus du myocarde, délivre face au public une introspection bienvenue afin d'exorciser ses démons et de panser ses plaies. Non sans autodérision : comme lorsqu'elle compare son arrivée en grandes pompes dans l'unité de soins intensifs à... un concert de Mylène Farmer, donc.
Un exercice cathartique.
Le meilleur moyen d'aborder la mort serait-il de rire en sa compagnie ? Cette pièce de théâtre semble répondre par l'affirmative. Ainsi notre hôte sur scène, interprétant de multiples personnages à elle seule dans un cadre très épuré (une simple chaise comme comparse), nous relate notamment ce jour où, à peine sortie d'affaire, une professionnelle du personnel hospitalier lui a demandée : "es tu d'accord pour être donneuse d'organes ?".
La santé est au coeur de cet autoportrait de femme, et plus encore, le rapport au corps, et à soi. Ainsi tout en tutoyant l'émotion - "Tu as de la chance d'être encore en vie. Tu as une bonne étoile", lui glisse une infirmière - l'héroïne de ce "one woman show" toute de orange vêtue ne cachera rien de ses quiproquos physiques divers et variés (de sa préoccupante tension à... une déconcertante séance d'épilation) tout en se vantant face à son auditoire, ironique : "J'ai une crise cardiaque d'athlète, une crise cardiaque athlétique !"
Ce monologue existentiel porté par Mélanie Page est envisagé comme "une comédie sur la vie, la mort et ce qu'il y a entre les deux". Il met en scène douleur, névroses et angoisses, comme protagonistes de cette grande pièce de théâtre naturellement tragicomique qu'est l'existence.
Ce qui ne nous tue pas de James Hindman, avec Mélanie Page , mis en scène par Nicolas Briançon. Au Théâtre Lepic - 18ème. Représentations jusqu'au 12 mai 2024.