Le cauchemar de tous les parents débarque en salles. Vendu à quelque 900.000 exemplaires en France, le livre Chanson douce de Leïla Slimani, pour lequel elle a remporté le prix Goncourt en 2016, arrive au cinéma ce mercredi 27 novembre dans une adaptation signée Lucie Borleteau.
L'histoire, comme dans le best-seller, s'inspire d'un fait divers bien réel survenu au mois d'octobre 2012 à New York, celui d'un couple de bobos dont la nourrice a tué les enfants. Dans le rôle des parents, Leïla Bekhti et Antoine Reinartz. Karin Viard, plus inquiétante que jamais, interprète la nounou meurtrière.
Le scénario a de quoi faire peur, surtout quand on est papa ou maman. De nature anxieuse, notamment à cause de sa mère, l'autrice du livre en a conscience. Même si Leïla Slimani n'a eu aucun mal à confier ses deux enfants à une nourrice (la même que celle de sa soeur), elle comprend cette crainte partagée, celle que nos enfants puissent courir un risque en notre absence.
"Ce qui est étrange avec cette peur, c'est qu'on vit avec elle constamment", confie cette dernière au HuffPost. "Elle est là. Mais on est obligé d'en faire une peur silencieuse. On est obligé de la mettre en coulisses de nos vies, sinon elle devient paralysante. Quand on a un désir de liberté, d'individualité et d'avoir sa vie à soi, il faut assumer de vivre avec cette peur, de faire confiance au destin et aux gens."
"C'est très compliqué", ajoute Karin Viard de son côté. "Quand t'es jeune parent, tu confies à cette personne dont tu ne sais pas grand-chose la prunelle de tes yeux, la chose plus importante pour toi." L'actrice de 53 ans, mère de deux filles, a semble-t-il réussi à dépasser cette hantise. "Je fais spontanément confiance", précise-t-elle.
Ne pas trouver quelqu'un à temps
Ce n'est pas le cas de tout le monde. Avant d'en arriver à imaginer un meurtre, toute une série d'inquiétudes et d'insécurités peut naître dans la tête des parents au moment de chercher une nourrice. Sandra, journaliste parisienne de 32 ans, en a fait les frais. Et ce, bien avant la naissance de son fils Jules.
Conscients des difficultés à trouver une place en crèche, elle et son mari ont remué ciel et terre pendant des mois pour trouver la nourrice idéale. "C'est très bizarre de se poser ces questions alors qu'il n'est pas encore arrivé", se souvient la trentenaire. "Il n'est pas déjà là que je pense déjà à le laisser. Pourquoi je fais un enfant si ce n'est pas pour être avec lui ? Ça manquait de sens."
Les interrogations grandissent. Malgré leurs recherches, rien n'y fait. Personne. Le temps passe et la pression grimpe. Autour d'eux, des amis dont l'enfant doit naître plus ou moins au même moment ont trouvé chaussure à leur pied. La date de l'accouchement de Sandra est proche. "C'était la grosse panique, se rappelle Sandra. On n'a aucune famille à Paris."
Le jour fatidique est finalement arrivé. Jules naît un matin de septembre. L'objectif numéro un avait changé. Désormais, il fallait faire face à ce quotidien avec le nourrisson et trouver ses marques dans ce nouveau trio. Un premier mois défile, puis un second. Sandra a réussi à décaler son retour au travail. On arrive au mois de janvier. Ses congés étant bientôt épuisés, l'urgence retentit.
Par chance, elle reçoit un mail. De jeunes mariés de la copropriété viennent d'avoir un enfant. Ils cherchent un autre couple en vue d'une garde alternée. L'idée ? Partager une nourrice, une semaine chez l'un, une semaine chez l'autre. Ni une, ni deux. Sandra et son partenaire font leur rencontre. Le feeling passe bien. Ils acceptent de rencontrer les deux candidates que leurs voisins ont en tête.
Le premier "entretien" est un échec. "Elle représentait tout ce qui nous faisait peur", explique la jeune maman. "Elle nous a dit s'attacher beaucoup aux enfants et nous a confié que ses précédents employeurs étaient jaloux d'elle." La discussion est écourtée. Fort heureusement, la deuxième rencontre s'est montrée, elle, plus que concluante. Naturelle, compréhensive, à l'écoute. Le choix des deux couples se porte sur elle.
Un bon nombre de soucis s'envolent. Mais pas tous. Comment être sûr qu'elle s'occupera de l'enfant comme le font ses parents ? Inquiète, Sandra n'est pas la seule à se poser cette question. Marie y a pensé lorsqu'il a été question de laisser son nourrisson de 6 mois à la crèche. "On avait peur que le suivi ne soit pas le même, se remémore-t-elle. Ma plus grosse crainte, c'était qu'il ne soit pas correctement encadré, qu'il se retrouve avec des couches sales toute la journée, sans être changé."
"Cette personne a une place capitale dans la vie de mon enfant, au même titre que mon mari ou moi", estime Sandra. "Les périodes d'adaptation avec la nourrice ou les employés de l'établissement rassurent les deux mamans. Même si "les choses ne sont pas faites comme avec nous", précise la journaliste.
Raphaël, un commissaire dans la trentaine, se souvient lui aussi des débuts. Papa d'une petite Maxime aujourd'hui âgée de 5 ans, il était terrifié à l'idée qu'elle trépasse dans son sommeil. "Toutes les heures, j'avais besoin de savoir si elle respirait bien. C'était pathologique", concède-t-il.
Marion, elle, c'était la peur de l'enlèvement. Quand Sixtine était à la crèche, tout allait bien. Le problème, c'est quand il a fallu la laisser à une baby-sitter. "C'est très compliqué de recruter quelqu'un", admet la jeune femme de 31 ans. "Tout le monde a l'air idéal."
Sa technique ? Espionner les candidates sur les réseaux sociaux. Une clope à la main ? Ça le fait moyen. Elle fait la fête ? C'est non. "À 16 ans, tu n'as pas conscience du danger", observe la Parisienne. Si la personne ne lui parait pas assez responsable en ligne, elle l'écarte sans la moindre once d'hésitation.