Des rayons vides, des parents angoissés : la Maison Blanche a assuré vendredi 13 mai dernier prendre très au sérieux la pénurie de lait pour bébé que connaissent les États-Unis et qui tourne à la crise politique pour le président Joe Biden.
Avec 43% du lait infantile en rupture de stock en fin de semaine dernière -selon le fournisseur de données Assembly- la situation est critique. Une crise similaire est-elle possible en France, alors que l'on manque déjà d'huile de tournesol ou de moutarde ?
A priori, non. Car la pénurie de lait infantile américaine semble bien circonstanciée et liée à "l'inflation, les pénuries de la chaîne d'approvisionnement et les rappels de produits", comme l'explique Ben Reich, fondateur et PDG de Datasembly, un fournisseur de données américain.
Aux États-Unis, cette pénurie est principalement provoquée par des problèmes de chaîne d'approvisionnement et de manque de main-d'oeuvre. "La crise américaine est liée essentiellement à une usine qui a des problèmes techniques", explique au HuffPost Ghislain de Viron, éleveur laitier et vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).
Des problèmes logistiques auxquels s'est ajouté un scandale sanitaire: le 17 février, après le décès de deux bébés, le fabricant Abbott a annoncé le "rappel volontaire" dans son usine du Michigan de laits en poudre. Ce qui a privé des millions de famille qui utilisaient la marque "Similac". La pénurie américaine ne risque donc pas d'être importée en France, où le lait consommé est produit pratiquement à 100 % sur le territoire national.
En revanche, la crise du lait qui a lieu depuis des années, accentuée par la guerre en Ukraine, pourrait avoir des conséquences; pas forcément sur les stocks de lait infantile, mais sur son prix. Car les préparations pour nourrissons sont principalement composées de protéines de lait.
En cause tout d'abord, la démotivation des producteurs de lait. "Ils constatent une inadéquation entre leur temps de travail et leurs revenus. Les éleveurs ont besoin d'un signal fort et que leur métier soit revalorisé", souligne Ghislain de Viron, qui rappelle que la production de lait en France a baissé de 1,5% en 2021.
"De nombreux éleveurs passent à la culture de céréales, car c'est plus rentable", ajoute-t-il. "Malgré les lois Egalim 1 et 2, on n'arrive pas à faire remonter suffisamment ou suffisamment vite le prix du lait." Selon lui, 2 à 3% des éleveurs laitiers arrêtent leur activité chaque année.
"Le prix du lait a augmenté de 1,5 % quand il faudrait une hausse de 20 % pour effacer l'inflation de l'électricité, du carton, du plastique, du transport", a déploré auprès des Echos Emmanuel Vasseneix, vice-président de Syndilait et patron de LSDH (Laiterie de Saint-Denis-de-l'Hôtel).
Depuis la guerre en Ukraine, tout est plus cher : l'énergie, le carburant, les matières premières agricoles, notamment les céréales, le soja qui nourrit certains animaux, le blé dur qui compose les pâtes, le maïs...
"La hausse des charges, on l'avait déjà avant la guerre", insiste Ghislain de Viron. "Le prix de l'engrais ou de la solution azotée par exemple, était autour de 200€ par tonne il y a un an. C'était monté autour de 400-500. Et depuis la guerre, on est à 800€ la tonne."
D'autres postes de dépense ont augmenté : le grand import, avec le prix des containers; mais encore les emballages, carton, aluminium, verre... Il faut parfois changer de fournisseurs d'une semaine sur l'autre, et pas toujours aux mêmes conditions contractuelles.
Le patron du géant du lait Lactalis, Emmanuel Besnier, a évoqué auprès de l'AFP "une crise sur tous les coûts de production", attendus en hausse de 15% sur 2022.