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"Elles ont dû désobéir, lutter !" : derrière le Débarquement, il y a ces femmes de l'ombre méprisées et méconnues
Publié le 5 juin 2024 à 13:00
Par Terrafemina avec AFP
Journalistes chevronnées, photographes émérites, les reporters du D-Day ont dû faire preuve d'inventivité pour déjouer les interdictions imposées aux femmes par l'armée américaine. Mais leurs scoops ne leur permettront pas toujours d'accéder à...
"Elles ont dû désobéir, lutter !" : derrière le Débarquement, il y a ces femmes de l'ombre méprisées et méconnues 
ue aérienne de la flotte alliée engagée dans l'opération Overlord de débarquement sur les côtes normandes, le 6 juin 1944, durant la seconde guerre mondiale "Elles ont dû désobéir, lutter !" : derrière le Débarquement, il y a ces femmes de l'ombre méprisées et méconnues ue aérienne de la flotte alliée engagée dans l'opération Overlord de débarquement sur les côtes normandes, le 6 juin 1944, durant la seconde guerre mondiale© AFP, -
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Journalistes chevronnées, photographes émérites, les reporters du D-Day ont dû faire preuve d'inventivité pour déjouer les interdictions imposées aux femmes par l'armée américaine. Mais leurs scoops ne leur permettront pas toujours d'accéder à la même postérité que leurs collègues masculins.

Le matin du 6 juin 1944, Martha Gellhorn apprend, comme d'autres journalistes en poste à Londres, que l'opération "Overlord" est lancée: d'ici quelques heures, les navires des forces alliées accosteront en Normandie.

Elle se précipite sur la côte, avec peu d'espoir d'embarquer sur un navire: le SHAEF, le QG militaire des Alliés, interdit strictement aux femmes reporters de s'approcher du front. Les hommes, eux, sont invités à rejoindre les troupes.

Qu'à cela ne tienne: la journaliste américaine "déjoue les contrôles militaires en prétendant être une infirmière de la Croix-Rouge", raconte Caroline Moorehead, sa biographe.

Et alors que retentit la sirène du départ, elle s'enferme... dans les toilettes.

"Elle a dû ruser mais elle a réussi: Martha semble avoir été la seule femme journaliste (à avoir) pu accoster sur les plages de Normandie", souligne Mme Moorehead, autrice de "Martha Gellhorn, une vie".

La reporter paiera son "intrépidité" dès son retour à Londres: le SHAEF l'arrête et lui interdit de revenir en Normandie.

Une autre femme journaliste sera aussi "punie pour son audace": le 6 juin 1944, l'Américaine Lee Carson parvient à convaincre un pilote de chasse de la faire survoler les plages normandes et obtient une exceptionnelle vue aérienne du Débarquement, raconte Nancy Caldwell Sorel, autrice de "The Women Who Wrote War".

Dès son atterrissage, le SHAEF la convoque en conseil disciplinaire. Lee Carson s'enfuit.

Une reproduction géante du "Portrait solarisé de Lee Miller" (vers 1929) du photographe américain Man Ray lors de l'exposition Man Ray Portraits à la National Portrait Gallery, le 6 février 2013 à Londres © AFP, LEON NEAL

"Bien sûr, je savais" que c'était interdit, dit la journaliste d'International News Agency (INS), citée par Mme Sorel. "Mais mon job, c'était de couvrir l'info."

Photographe de renom pour le Vogue britannique, Lee Miller, elle, est présente à Saint-Malo alors que la cité bretonne, aux mains des Allemands, est sur le point de tomber, en août 1944.

Ses photos de la ville dévastée feront le tour du monde mais, "en punition", l'armée l'assignera à résidence, relate auprès de l'AFP son fils, Antony Penrose.

"C'était scandaleux et idiot, elle faisait simplement son travail", fustige-t-il. "Un homme à sa place aurait été félicité, au lieu de ça, elle a été punie."

- Sexisme -

"L'armée avait alors une peur viscérale qu'une femme journaliste meure au front, estimant que cela signifiait que les hommes avaient failli à la protéger", note Denis Ruellan, historien du journalisme.

De la fumée au-dessus de  la forteresse de Saint-Malo, après son bombardement par l'armée de l'air américaine en août 1944, pendant la Seconde Guerre mondiale. Quelque 13 000 soldats nazis, fuyant la Normandie, s'étaient réfugiés dans la ville après le Débarquement des Alliés en juin 1944 © AFP, -

Les femmes reporters ont "souvent dû désobéir, lutter contre l'ordre moral incarné par des généraux, des commandants: toujours des hommes."

Le sexisme est l'un de leurs principaux obstacles, rappelle-t-il. "L'armée assurait que les soldats seraient +perturbés+ par la présence des femmes reporters, ce qui revenait à les sexualiser."

Ainsi, sur son site, l'Americain Air Museum décrit Lee Carson comme "la plus jolie" des journalistes, qui "utilisait" son charme pour obtenir des faveurs grâce à ses "célèbres jambes galbées".

Autre obstacle: leurs collègues masculins, qui n'hésitaient pas à leur mettre des bâtons dans les roues, comme Ernest Hemingway. 

L'écrivain et journaliste, marié à Martha Gellhorn, se fait ainsi accréditer juste avant le Débarquement par Collier's, le magazine qui employait sa femme, rappelle Mme Moorehead.

"Ce qui revenait à l'empêcher de couvrir la guerre."

Mais Hemingway, finalement, ne verra les combats du D-Day que de très loin, contrairement à Gellhorn.

- Haine et oubli -

Malgré les difficultés, les femmes reporters parviendront à décrocher des informations exclusives, faisant enrager leurs camarades.

"Je la haïssais", "elle obtenait des scoops que les hommes rataient", se souviennent en 1945 dans The Boston Globe des rivaux d'Iris Carpenter, correspondante pour plusieurs médias britanniques et présente en Normandie dès le 10 juin 1944.

Pour autant, "le nom de ces grandes journalistes a été oublié", déplore M. Ruellan. 

A la fin de la guerre, "les hommes journalistes sont rentrés triomphants, avec des carrières ascendantes" tandis que "les femmes ont souvent été réassignées à des tâches secondaires", indique-t-il.

D'autres sont rentrées "traumatisées par ce qu'elles avaient vu". "Elles ont quitté le journalisme pour quitter la guerre."

all/mb/as

© Agence France-Presse

Mots clés
femmes histoire france canada guerre
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