Rima est une petite fille qui raconte sa vie à Damas en Syrie. Parfois, les événements se bousculent dans sa tête et tout n'est pas linéaire. Elle vit dans un monde plein de poésie, comme dans son livre préféré Le Petit Prince. Elle aime dessiner et lire. Elle ne parle pas et ses pieds s'animent tout seuls, elle marche sans jamais s'arrêter. Si bien que sa mère a dû l'assigner à résidence et l'attacher par une cordelette. A l'été 2013, elle traverse Damas en bus, et lors d'un des nombreux contrôles, elle s'affole, ses pieds s'emballent et dans la confusion, sa mère à qui elle est attachée est tuée. S'en suit une lente dégringolade pour cette enfant candide qui nous montre avec ses yeux la guerre dans laquelle elle s'enfonce.
La Marcheuse est un livre indispensable pour comprendre la tragédie absolue que vit la Syrie. Sans une débauche de mots, sans description superflue, avec pudeur et poésie, Samar Yazbek nous fait comprendre la tristesse infinie d'un pays qui s'enfonce dans l'horreur.
La marcheuse, Samar Yazbek, Editions Stock, 291 pages, 20,99€
La vraie vie est un roman court, mais intense. Dès le début, on se retrouve happé par la vie d'une famille pas franchement banale. Des parents, deux enfants : la narratrice a dix ans quand son petit frère, Gilles, en a six. Inséparables, ils s'amusent comme ils peuvent dans une décharge de voitures et tentent d'échapper aux coups de leur père et à ses crises de violence. La mère, elle, est perçue comme une "amibe" aux yeux de sa fille. Lorsqu'un événement extérieur vient tout bouleverser, la jeune héroïne va tout essayer pour redonner le sourire à son petit frère, qui s'éloigne d'elle petit à petit. Elle tente, tant bien que mal, de vivre son adolescence et sa passion pour les sciences.
Au fil des pages, Adeline Dieudonné fait monter le suspense jusqu'à atteindre une ambiance angoissante et terrifiante, comme une véritable traque. Un livre brutal mais haletant, que l'on dévore d'une traite et qui vient d'ailleurs de remporter le prix du roman Fnac 2018.
La vraie vie, Adeline Dieudonnée, Éditions L'iconoclaste, 266 pages, 17 euros
Dans son nouveau roman Les Prénoms Épicènes, la fantasque Amélie Nothomb nous parle de la haine mutuelle d'un père et de sa fille, d'amour conjugal et de sacrifice. Des thématiques qui ne sont pas étrangères à la romancière, puisqu'on les retrouvait dans son précédent livre Frappe-toi le coeur.
Cette fois, Les Prénoms Épicènes nous entraîne dans un récit de vengeance, rythmé par la dérive psychologique d'une jeune fille brillante, Épicène, et de Dominique, sa mère épouse aveuglement dévouée, de Claude, père d'Épicène, un homme froid et manipulateur au dessein obscur. Les ellipses narratives nous plongent dans une ambiance dérangeante, dictée par un suspens magistral dont l'autrice de Stupeurs et Tremblements a le secret.
Un délice de la rentrée littéraire dont on se délecte à chaque page.
Les prénoms épicènes, Amélie Nothomb, Éditions Albin Michel, 162 pages, 17,50 euros
Dans un futur proche aux États-Unis, l'avortement est illégal et est sanctionné d'une peine de prison. Le Canada bloque sa frontière aux femmes qui souhaiteraient y subir un IVG. Adoption et procréation médicalement assistée sont elles aussi bientôt interdites pour les femmes seules. Le couple hétérosexuel est le socle de base de cette société.
Dans ces temps sombres, Les heures rouges décrit le destin de plusieurs femmes : Ro, enseignante célibataire de 42 ans dont la PMA ne fonctionne pas et qui se lance dans une course contre la montre avant l'interdiction. Mattie, une élève de Ro qui tombe enceinte et tente par tous les moyens de se faire avorter. Mais aussi Susan qui regrette sa vie de mère au foyer et Gin, la guérisseuse dont tout le monde a peur mais qui rend tant de services.
Leni Zumas décrit un futur qui ne semble pas si lointain et impossible. Son ouvrage est l'un des livres féministes de la rentrée qu'il ne faut pas rater. Le retour en arrière est possible, un contre-coup masculiniste n'est pas que du domaine de la fiction. Un véritable avertissement.
Les heures rouges, Leni Zumas, Presse de la Cité, 395 pages, 162 pages, 21€
Fleur est une petite dame qui, pour se rassurer, se bourre de médicaments du type Sérénix, Placidon ou Zenocalm. Elle consulte un docteur, monsieur Borodine, qu'elle adule. Mais quand son chien adoré fait une crise cardiaque, elle qui est agoraphobe est bien obligée de rendre à la raison. Elle devra embaucher une personne pour garder son cher Mylord pendant qu'elle se rend chez le docteur Borodine. Ce sera Harmonie, atteinte du syndrome Gilles de Tabourette, et qui ne contrôle pas toujours son corps. A elles deux, et entourées d'une belle bande de "bracassées", elles vont tenter de se sortir de leur isolement.
Le livre de Marie-Sabine Roger est réjouissant, souvent drôle. C'est un peu le livre feel-good de la rentrée, sans prétention, mais qui nous amène à sourire et à penser que chacun et chacune d'entre nous a un peu un grain de folie et que c'est tant mieux.
Les bracassées, Marie-Sabine Roger, Editions du Rouergue, 315 pages, 20€