Si autrefois les jeunes femmes s'identifiaient physiquement à leur actrice ou à leur chanteuse préférée, elles ne jurent désormais plus que par leur avatar sur Snapchat. Cheveux resplendissants, peau parfaitement lisse, yeux brillants... Sur ce réseau social d'images qui a la cote chez les ados, quelques clics suffisent pour gommer toutes les imperfections de son visage grâce à des filtres qui font des envieuses parmi les utilisatrices.
À tel point qu'aux États-Unis, de nombreuses adolescentes recourent à la chirurgie esthétique pour se rapprocher de leur apparence physique idéale, basée sur des photos d'elles retouchées sur Snapchat et sur lesquelles elles arborent des lèvres pulpeuses et des traits parfaitement dessinés.
Inquiets face à l'ampleur grandissante du phénomène, des médecins de l'Université de Boston ont posté un message d'alerte dans la revue Journal of American Medical Association. "Cette tendance est alarmante dans la mesure où les filtres appliqués aux selfies font apparaître un physique inaccessible et réduisent la frontière entre la réalité et le fantasme pour ces patients", prévient la dermatologue Neelam A Vashi.
Cette identification inquiète d'autant plus que la motivation de ces jeunes (des femmes principalement) est également liée à une volonté d'"être plus belles" sur leurs selfies. D'après l'enquête 2018 de l'Académie américaine de la chirurgie plastique et reconstructrice (AAFPRS), 55 % des chirurgiens esthétiques américains auraient déjà été confrontés à ce type de demande, contre 42 % en 2015.
"Auparavant, la retouche photo n'était disponible que pour les célébrités. Les mannequins et les acteurs étaient faits pour paraître parfaits dans les magazines et les publicités, mais le grand public n'avait pas facilement accès à des méthodes pour modifier leur propre apparence (...) Aujourd'hui, avec des applications comme Snapchat et Facetune, ce même niveau de perfection est accessible à tous", analyse le Dr A Vashi.
L'omniprésence de ces images filtrées peut nuire à l'estime de soi et mener à un trouble dysmorphique corporel (TDC), surnommé "dysmorphobie de Snapchat" dans ce cas précis. On parle de TDC lorsqu'une personne est tellement obnubilée par un défaut physique que cela finit par gâcher son existence. Les personnes atteintes de TDC se donnent souvent beaucoup de mal pour cacher leurs imperfections et peuvent visiter fréquemment des dermatologues ou des chirurgiens plasticiens dans l'espoir de changer leur apparence.
Les auteurs du rapport attirent l'attention sur ce phénomène particulièrement présent sur Snapchat. "Les fonctionnalités de ces réseaux sociaux offrent une nouvelle réalité de beauté pour la société d'aujourd'hui. Ces applications permettent de modifier son apparence en un instant et de se conformer à une norme de beauté irréaliste et souvent inaccessible", souligne le Dr A Vashi, qui insiste sur le fait que la chirurgie n'est pas la solution et qui recommande un suivi psychologique aux patients atteints de dysmorphobie corporelle.