En plein 70e anniversaire de la création des CRS, l'histoire fait tache. Selon France Info, le parquet de Paris a ouvert ce mardi (9 décembre) une enquête après la plainte déposée il y a deux ans par une jeune femme membre de ce corps de la police nationale. La victime, une des premières femmes à avoir été intégrée sur le terrain en 2010 au sein d'un escadron, explique avoir subi un harcèlement moral à forte connotation sexuelle.
Selon les premiers éléments dévoilés par la justice, la plaignante a subi des « blagues graveleuses », des « insultes sexistes et racistes sur ses origines maghrébines » et une scène de harcèlement moral avec simulation de masturbation.
« Il faut savoir que cette personne me harcelait quotidiennement, des rumeurs balancées aux collègues, sans fondements, avec des détails », a expliqué la victime au micro de France Info. « Et quand il est encore venu à la charge, c'est là qu'il m'a fait sa simulation de masturbation…», a-t-elle poursuivi. Si peu d'informations sont à l'heure disponibles sur les CRS concernés , la plainte laisse toutefois filtrer ce détail troublant : l'un des policiers possédait un casque portant un insigne nazi.
Après avoir épuisé les recours hiérarchiques en interne, la jeune femme a choisi de porter plainte au pénal deux ans après les faits. La CRS est assistée dans sa démarche par l'un de ses supérieurs et par deux autres collègues femmes, qui ont accepté de déposer à l'écrit.
Jointe par Terrafemina, Béatrice Dubreuil, l'avocate de la victime qui suit le dossier depuis deux ans, déplore l'absence de réponse non seulement de la part du corps de police, mais également du ministère de l'Intérieur. « Ma cliente a fait des rapports pour dénoncer tous les faits de harcèlement qu'elle subissait. Cela n'a rien donné », explique l'avocate avant de préciser avoir saisi, en mars 2013, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Manuel Valls, qui a fait diligenter une enquête administrative. « Cette dernière renvoie tout le monde dos à dos en affirmant que ma cliente aurait une part de responsabilité dans ce qu'elle dénonce ».
Même absence du côté des services de Najat Vallaud-Belkacem : « On a saisi le ministère des Droits des Femmes, affirme Béatrice Dubreuil. 'Nous interrogeons le ministère de l'Intérieur' a été la seule réponse qui nous est parvenue ». Et l'avocate de conclure : « Visiblement, le sort des femmes CRS n'intéresse personne ».
Le problème n'est pourtant pas nouveau et s'est déjà posé en des termes similaires dans d'autres institutions de maintien de l'ordre. En 2010, Sihem Souid, ex-agent de la police aux frontières, publiait Omerta dans la police, un livre polémique dans lequel l'auteure dénonçait le climat de racisme et d’homophobie qui règne, selon elle, à la police aux frontières d’Orly. Plus récemment, l'enquête La Guerre Invisible des journalistes Julia Pascual et Leïla Miñano, sortie en 2014, a fait état des cas de violences sexuelles que subissent certaines femmes dans l'armée française.
Invitées à réagir sur cette ouverture d'enquête, les deux auteures de l'ouvrage reconnaissent dans cette affaire un dénominateur commun avec les nombreux cas rencontrés durant leur enquête sur l'armée. « Si les CRS ne dépendent pas du ministère de la Défense, comme c'était le cas pour les femmes dans l'armée, le cas de cette jeune femme rappelle celui des militaires que nous avons interrogées », constate Leïla Miñano. « Blagues salaces, sexisme... Ce sont des cas qui nous ont été cités par une grande majorité de femmes dans notre livre ».
Autre point commun : l'absence de soutien de la hiérarchie. « Dans la grande majorité des cas, la hiérarchie ne soutient pas. Au contraire, elle essaie d'écarter celle par qui le scandale arrive. La victime finit le plus souvent par partir », poursuit la journaliste. Compagnies républicaines de sécurité ou armée française, dans les deux cas, se résoudre à sortir de l'institution pour porter plainte est considéré comme l'insulte suprême par ces milieux professionnels.
L'affaire des CRS renferme enfin, selon Leïla Miñano, une difficulté supplémentaire : « C'est un milieu ultra-masculin. Contrairement à certains secteurs de l'armée, l'intégration de la première femme CRS ne date que de quelques années. Cette victime se trouve donc dans une situation de pionnière ».
L'enquête en cours devra déterminer les conditions précises des faits de harcèlement. Si la justice décide de poursuivre les CRS concernés, il s'agirait d'une première dans l'histoire de l'institution, créée en remplacement des groupes mobiles de réserve instauré sous le régime de Vichy.