Au Yémen et en Arabie saoudite, leur histoire d'amour impossible leur a valu une comparaison avec Roméo et Juliette, les amants de la tragédie de Shakespeare. Houda al-Niran, une Saoudienne de 22 ans, comparaissait ce dimanche devant le tribunal de Sanaa, au Yémen, pour franchissement illégal de la frontière. Son crime ? Être tombée amoureuse d'Arafet Mohamed Tahar, un jeune Yéménite de 25 ans, et être passée outre l'interdiction de sa famille de le fréquenter. Dans une interview à la télévision saoudienne, Houda raconte sa rencontre avec Arafet, voilà trois ans, dans un magasin de téléphones portables d'Assir, une ville du Sud de l'Arabie saoudite. Entre eux, c'est le coup de foudre, et très vite, les deux jeunes gens projettent de se marier. Arafet demande alors la main d'Houda à ses parents, qui refusent. La jeune fille est en effet promise à un membre de sa famille, qu'elle doit prochainement épouser. Pour échapper à ce mariage forcé et vivre avec l'homme qu'elle aime, Houda s'enfuit de chez elle en septembre. À la télévision saoudienne, elle raconte sa fuite en pleine nuit et son voyage en bus jusqu'à la frontière yéménite, où elle appelle Arafet. « À ce moment-là, raconte-t-elle, il n'était pas au courant. Je l'ai mis devant le fait accompli car je savais que si je l'avais prévenu, il m'aurait empêché de prendre la fuite. »
Tout se complique début octobre lorsque le père d'Houda rend publique l'histoire d'amour de sa fille et affirme dans les médias saoudiens qu'elle a été « kidnappée » et « envoûtée » par des Yéménites. Depuis, la jeune fille a été arrêté par les autorités du pays pour franchissement illégal de la frontière, et son fiancé accusé de complicité.
Dimanche 17 novembre, Houda al-Niran comparaissait pour la troisième fois devant le tribunal de Sanaa pour être entrée clandestinement au Yémen. Risquant l'expulsion et disant craindre pour sa vie si elle retourne en Arabie saoudite, la jeune fille a refusé l'avocat proposé par l'ambassade saoudienne et accepté l'assistance d'un avocat yéménite mandaté par une ONG locale, Me Abdel Rabik al-Qadi. Interrogé par l'AFP, celui-ci a déclaré qu'il s'agissait « d'un cas humanitaire et [que] cela ne devrait pas provoquer de tension entre les deux pays ». Selon l'avocat, Ryad ferait pression sur le tribunal de Sanaa pour obtenir le retour d'Houda dans le pays.
Lors de l'audience qui s'est déroulée dimanche dernier, le juge s'est contenté de reporter l'examen de l'affaire au 1er décembre. Houda, elle, ne perd pas espoir de se voir accorder le statut de réfugiée politique. Au Yémen comme en Arabie saoudite, les deux amoureux bénéficient d'un soutien massif de la population. Alors qu'elle comparaissait devant le tribunal dimanche, de nombreux sympathisants s'étaient massés devant le bâtiment pour lui accorder son soutien. Tous avaient noués un foulard autour de leur tête, sur lesquels ils affirmaient : « Nous sommes tous Houda ». Un nouveau rassemblement devant le tribunal s'est déroulé vendredi dernier, tandis que les messages de soutien abondent sur les réseaux sociaux.
La semaine dernière, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) s'est emparé de l'affaire. La semaine dernière, Houda a reçu la visite d'un représentant du HCR qui l'accompagne dans ses démarches pour obtenir le statut de réfugiée au Yémen. La jeune femme, elle, ne baisse pas les bras. « C'est l'amour d'Arafet qui m'a envoûtée, rien d'autre. Mes parents veulent choisir ma vie pour moi, mais je ne veux pas connaître le même sort que mes deux sœurs aînées, aujourd'hui divorcée, qui ont eu un mariage arrangé […] J'aime Arafet à la folie, et je préfère mourir que d'être séparée de lui », a-t-elle encore affirmé à la télévision saoudienne.