Trois jeunes femmes d'une vingtaine d'années jouant du heavy metal, parlant d'égalité des sexes et de paix: Voice of Baceprot, remarqué bien au-delà des frontières, est le premier groupe indonésien à se produire cette semaine au prestigieux festival anglais de Glastonbury.
Après des débuts modestes dans leur petite ville de l'ouest de Java, les trois jeunes femmes qui revendiquent leur religion et portent le hijab sur scène, se sont fait connaître grâce à leurs reprises du groupe américain Rage Against the Machine postées sur YouTube.
Et quand elles ont appris en mars qu'elles étaient conviées à Glastonbury, aux côtés de têtes d'affiche comme Coldplay et Dua Lipa, elles n'y croyaient pas.
"Honnêtement, Glastonbury ne figurait pas sur notre liste de souhaits parce que nous pensons que c'est un rêve trop ambitieux", confie à l'AFP la batteuse Euis Siti Aisah, 24 ans.
"J'y crois encore à moitié. C'est pourquoi nous continuons à vérifier s'il s'agit du Glastonbury officiel ou si quelqu'un nous a fait une blague", ajoute la jeune femme interviewée le week-end dernier, juste avant un concert à Jakarta.
Ce n'est pas un rêve: le groupe composé de Firda Kurnia à la guitare et au chant, Widi Rahmawati à la basse et Euis à la batterie sera bien le premier groupe indonésien de l'histoire à se produire à Glastonbury, l'un des plus grands festivals au monde créé en 1970 dans le sud-ouest de l'Angleterre.
Dans un pays où les concerts de heavy metal et de hard rock réunissent des milliers de fans, le trio, avec ses messages de paix et d'égalité des sexes, brise les stéréotypes au sein d'une société indonésienne dominée par les hommes.
Pour Firda, le succès grandissant du groupe signifie que sa musique peut toucher plus de gens. Mais la rançon de cette gloire naissante, c'est que leur vie est désormais scrutée par des fans "obsédés" qui vont jusqu'à essayer de les rencontrer chez elles.
Bien que le groupe ait déjà effectué une tournée aux Etats-Unis et en Europe, Euis confie être "anxieuse" avant leur premier concert en Grande-Bretagne.
Leur renommée est telle que Flea, membre du groupe américain Red Hot Chili Peppers, considéré comme l'un des plus grands bassistes de tous les temps, a un jour tweeté qu'il "aimait beaucoup" Voice of Baceprot.
Leur plus grand succès à ce jour, "God, Allow Me (Please) to Play Music" ("Dieu permets-moi, s'il te plaît, de jouer de la musique") aborde la question de l'égalité et a dépassé le million de streams sur Spotify.
Les conservateurs musulmans indonésiens ne se privent pas de critiquer le groupe féminin, portant par ailleurs un jugement sur leurs vêtements qu'ils considèrent inappropriés.
Dans d'autres morceaux, le groupe aborde de front le changement climatique, le sexisme ou encore les droits des femmes.
"Nous créons des chansons basées sur ce que nous voyons, entendons, lisons, expérimentons nous-mêmes", explique Firda.
Le groupe formé en 2014 par trois adolescentes, a débuté par de petits festivals autour de Java occidental, l'une des provinces les plus conservatrices d'Indonésie. Le trio s'est ensuite installé dans la capitale Jakarta et a continué à donner des concerts en ligne pendant la pandémie de Covid.
Les jeunes femmes sont depuis lors retournées dans leur ville natale de Singajaya, où elles terminent la construction de leur propre studio.
Si elles rêvent de se produire un jour au festival américain Coachella et assurent avoir reçu "beaucoup" de propositions de concerts à l'étranger, les trois rockeuses veulent maintenant se consacrer à leur pays.
"En fait, nous voulons vraiment faire une tournée en Indonésie, mais nous n'en avons pas encore eu l'occasion", conclut Widi.
mrc-jfx/ebe/vgu/rr
© Agence France-Presse