En 1866, le peintre français Gustave Courbet a peint un tableau de nu plutôt "osé" pour l'époque. Si représenter des modèles masculins et féminins dans leur simple appareil est une tradition ancestrale dans l'histoire de l'art, celui de Gustave Courbet sort toutefois du lot, puisqu'il représente une femme nue aux jambes écartées sur un lit, laissant apparaître son pubis en gros plan.
Intitulée "L'Origine du monde", l'oeuvre s'est fait une place de choix dans les peintures les plus célèbres de tous les temps. À tel point qu'encore aujourd'hui, des historien·nnes de l'art lui consacrent de nombreux écrits. L'oeuvre passionne d'autant plus que l'identité de la femme qui a servi de modèle à Gustave Courbet n'avait jamais été dévoilée...jusqu'à maintenant.
En effet, l'historien Claude Schopp, auteur du livre L'Origine du monde, vie du modèle qui paraîtra début octobre lève enfin le voile sur ce mystère. Grand spécialiste d'Alexandre Dumas fils, Claude Shopp a étudié les échanges épistolaires entre son auteur fétiche et l'écrivaine George Sand.
Ce fin observateur a débusqué le secret du peintre en parcourant l'une des lettres d'Alexandre Dumas adressée à George Sand, datée du 17 juin 1871. "On ne peint pas de son pinceau le plus délicat et le plus sonore l'interview de Mlle Queniault (sic) de l'Opéra", écrivait Alexandre Dumas.
Interpellé par l'étrange emploi du mot "interview" dans cette phrase, l'historien se rend à la Bibliothèque nationale de France (BnF) pour consulter un manuscrit qui contient une transcription de la fameuse lettre.
Claude Schopp découvre alors qu'à l'origine le mot employé par Alexandre Dumas n'était pas "interview" mais "intérieur". Le spécialiste fait ensuite appelle à Sylvie Aubenas, directrice du département des estampes et de la photographie de la BnF, pour l'informer de sa trouvaille.
"Ce témoignage d'époque découvert par Claude me fait dire que nous avons la certitude à 99% que le modèle de Courbet était bien Constance Quéniaux", a confirmé Sylvie Aubenas à l'AFP.
Constance Quéniaux était danseuse à l'Opéra. En 1866, année où Gustave Courbet a peint "L'Origine du monde", l'artiste avait 34 ans. Dans son ouvrage, Claude Schopp explique que la ballerine a arrêté de danser en 1859, et qu'elle était l'une des maîtresses du diplomate turco-égyptien Khalil-Bey, qui n'était autre que le commanditaire initial de "L'Origine du monde".
Selon Sylvie Aubenas, l'identité du modèle de Courbet était connue de tous ses contemporains. "Si Dumas lâche son nom, c'est davantage par ressentiment à l'encontre de Courbet. Avec le temps, Constance est devenue 'une femme de bien', suggère la chercheuse.
Le département des estampes et de la photographie de la BnF a conservé plusieurs portraits de Constance Quéniaux dont un pris par le photographe Nadar, qui a également immortalisé George Sand.