Née à Rome en 1593, Artemisia Gentileschi est l'une des peintres baroques les plus douées de sa génération. Pourtant, son nom, ainsi que son oeuvre, composée majoritairement de sujets historiques et religieux, reste inconnue du grand public. Fille aînée d'Orazio Gentileschi, grand peintre baroque proche du Caravage, elle a certainement appris la peinture très tôt dans l'atelier de son père. Elle peint d'ailleurs sa première oeuvre Suzanne et les vieillard à l'âge de 17 ans. Violée à 19 ans par le peintre Agostino Tassi, l'un des collaborateurs de son père, c'est sa réputation qui est entachée par le procès qui suit, alors même que son agresseur est condamné aux galères.
Remarquablement douée pour la peinture malgré son statut de mineure à vie, Artemisia Gentileschi trouve son salut dans son mariage avec Pierantonio Stiattesi, un peintre médiocre qui la laissera exercer son art en toute liberté. Installée à Florence avec son époux, l'artiste est acceptée à l'Académie de dessin et connaît enfin le succès en travaillant pour la famille Médicis. Spécialisée dans la peinture de nus, la peintre cache souvent son propre visage parmi les plantureuses héroïnes qu'elle peint : Cléopâtre qui se suicide, Suzanne ou encore Judith qui décapite Holopherne comptent parmi ses sujets. Revenue à Rome puis partie finir sa vie à Naples, où elle dirigea un grand atelier, elle finira malgré tout son talent par tomber dans l'oubli.
D'Élisabeth Vigée-Lebrun, le public connaît surtout ses portraits de la reine Marie-Antoinette, qu'elle comptait parmi ses amies. Elle est pourtant bien plus que ça. Considérée comme l'une des plus grandes portraitistes de son temps, elle a été durant sa vie un témoin privilégié de la Révolution Française et de la Restauration. Née en 1755 à Paris, Élisabeth Vigée-Lebrun fait montre très tôt de son talent pour le dessin et apprend la peinture auprès de plusieurs professeurs. Elle peint son premier tableau à 15 ans, un portrait de sa mère, puis intègre à 19 ans l'Académie de Saint-Luc. En 1776, elle reçoit sa première commande de la Cour du comte de Provence, le frère du roi, et est admise quelques temps plus tard à la Cour de Louis XVI. En 1778, c'est la consécration : elle devient peinte officiel de la reine et croule sous les commandes. Proche du couple royal, elle est comme eux victime de critiques et médisances.
Quand la Révolution éclate, elle quitte Paris pour Lyon puis s'exile à Rome, Venise et Vienne avant d'accepter l'invitation de l'Ambassadeur de Russie et de s'installer à Saint-Pétersbourg. Marquée par les exécutions de ses amis pendant la Terreur, elle ne retourne à Paris qu'en 1802. Elle a alors du mal à trouver sa place dans la société née de la Révolution et de l'Empire. Après un séjour à Londres et en Suisse, elle revient à Paris et se réjouit du retour de Louis XVIII, qui fait restaurer et ré-accrocher ses tableaux de Marie-Antoinette au Louvre. Devenue aveugle à cause d'attaques cérébrales, Élisabeth Vigée-Lebrun meurt à Paris en 1842.
Avant d'être une guinguette branchée des Buttes Chaumont, Rosa Bonheur était surtout le nom d'une peintre et sculptrice spécialisée dans les représentations animalières. Née en 1822, Marie-Rosalie dite Rosa, elle passe son enfance dans la campagne bordelaise, où son père adoptif, un riche commerçant, l'initie à la peinture. Elle expose sa première oeuvre à l'âge de 19 ans, ce qui attire l'attention de l'État, qui lui commande un tableau agraire, Le Labourage nivernais. Exposée au musée du Luxembourg puis au musée du Louvre à la mort de Rosa Bonheur, l'oeuvre est aujourd'hui l'une des pièces phares du musée d'Orsay. En 1848, la même année, elle remplace son père à la direction de l'École gratuite de dessin pour les jeunes filles.
L'artiste accède enfin à la notoriété internationale en 1853 lorsque son tableau Marché aux chevaux, est repéré au Salon de peinture et de sculpture. Elle part en tournée en Belgique et en Angleterre, tandis que son tableau est exposé au Metropolitan Museum of Art de New York. En 1865, elle est la première femme à recevoir les insignes de chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur et en 1889, elle fait partie de la délégation de femmes françaises artistes présentées à l'Exposition universelle de 1893 à Chicago, regroupées dans le Woman's Building. Fine stratège commerciale et grande artiste, Rosa Bonheur retombera pourtant dans l'oubli après sa mort en 1889, sa peinture étant considérée comme trop éloignée des tendances modernes. Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour redécouvrir sa peinture et son talent, et que son nom soit associé aux premiers pas du féminisme.
Malgré son talent indubitable pour la sculpture, Camille Claudel est sans cesse associée au nom d'Auguste Rodin, son mentor et amant. Née en 1864 dans une famille d'intellectuels, elle développe très tôt un goût prononcé pour la sculpture et commence très jeune à travailler la glaise. Appuyée par son père, et malgré la très forte opposition de sa mère, la jeune fille, prend des cours d'art auprès du sculpteur Alfred Boucher avant de rencontrer Auguste Rodin, dont elle rejoint l'atelier en 1882. Épaté par le talent et la farouche volonté de la jeune femme, le maître sculpteur tombe sous son charme. Commence alors entre les deux artistes une relation aussi passionnelle que destructrice. Influencé par Rodin, Camille Claudel exerce aussi sur son maître une forte impression. En 1886, elle réalise La Jeune Fille à la Gerbe, qui l'inspirera. C'est cette même année qu'elle se lance dans la sculpture de Sakountala, un couple pétri de désir. Terminée deux ans plus tard, l'oeuvre est exposée et connaît un certain succès public et critique. Après sa rupture avec Rodin en 1892, Camille Claudel continue de créer mais l'ombre de son maître l'empêche d'obtenir le succès escompté. Touchée par de profonds troubles, des obsessions et des idées paranoïaques, elle détruit ses oeuvres en 1912 et est internée dans un hôpital psychiatrique en 1913. Elle y restera jusqu'en 1943, où elle décède des suites de malnutrition. Elle n'a jamais revu Rodin.
Si son nom ne vous dit rien, vous connaissez sans doute ses oeuvres, si caractéristiques du fait de leurs personnages aux yeux surdimensionnés. Pourtant, dans les années 1960, lorsque ces tableaux étaient au sommet de leur renommée, ce n'est par Margaret Keane qui les signait. C'était son époux, Walter Keane, qui s'est approprié son talent pendant des années. Née en 1927 dans le Tennessee, Margaret Keane commence par peindre des vêtements et des berceaux de bébé avant de se consacrer uniquement au portrait. Elle fait la rencontre de Walter Keane, un piètre peintre, qu'elle épouse en 1955 à Honolulu. Lorsque Margaret commence à vendre ses peintures, ce dernier s'approprie son travail en affirmant qu'il en est l'auteur et devient l'un des artistes les plus populaires et commercialement prospères des années 60. Lorsque qu'il lui réclame les droits des toiles qu'elle réalise, Margaret finit par demander le divorce et attaque en justice son imposteur de mari. Pendant le procès, elle met son époux au défi de prouver qu'il était bien l'auteur des tableaux et peignit elle-même une toile devant le juge. Walter refuse cependant de relever le défi, prétextant une épaule endolorie. Margaret peint alors une toile en seulement 53 minutes et après jugement, elle reçoit 4 millions de dollars de dommages et intérêts. Depuis 1986, Margaret Keane est de nouveau autorisée à signer ses oeuvres de son nom. Tim Burton lui a consacré un film Big Eyes, sorti en 2014, avec Amy Adams dans le rôle-titre.
Figure de proue de l'impressionnisme, le talent de Berthe Morisot a souvent été éclipsé par les Claude Monet, Auguste Renoir et autre Édouard Manet. Née en 1841 dans une famille aisée, elle se voit offrir des cours de peinture par sa mère et fait très vite montre de son habileté. En 1864, elle présente au Salon ses premières toiles, Souvenir des bords de l'Oise et Un vieux chemin à Auvers. Avec sa soeur Edma, elle aussi peintre, elle côtoie l'intelligentsia de l'époque : Émile Zola, Charles Baudelaire, Charles-François Daubigny, Édouard Manet. Ce dernier devient son professeur. Seule femme exposée lors de la Première exposition des peintres impressionnistes, Berthe Morisot fait mouche auprès du public, tandis que la presse cherche à la ridiculiser, l'accusant de se donner en spectacle. Ne supportant pas sa peinture aux "sujets féminins", les critiques s'intéressent moins à son oeuvre qu'à celle de Renoir, Caillebotte et Monet. Avant-gardiste et affranchie des codes conservateurs qui dictaient alors le monde de l'art, Berthe Morisot n'a jamais cessé d'innover, s'essayant à la fin des années 1880 à la sculpture. Malade, elle meurt en 1895. Malgré sa riche production artistique, le certificat de décès mentionnait : "sans profession".
Artiste, peintre et sculptrice, Sophie Taeuber-Arp a participé aux mouvements dada puis surréaliste avec son mari, Jean Arp. C'est pourtant le nom de celui-ci que l'on retient, tandis que Sophie est relégué au rang de "femme de". Née en Suisse en 1889, elle étudie l'art appliqué en Allemagne et découvre la danse d'expression. En 1915, elle rencontre Jean Arp et participe au mouvement dada. Marquée par la géométrie, elle réalise des aquarelles en carrés et rectangles qu'elle juxtapose en jouant sur les couleurs et la lumière. Travaillant régulièrement avec Jean Arp, qu'elle épouse en 1921, elle achève en 1926 la décoration abstraite et géométrique d'une salle de danse, son autre passion. Elle est restée active jusqu'en 1943, date de sa mort, à Zurich.
Autre figure de l'abstraction, Mary Martin a elle aussi vécu dans l'ombre de son mari, le sculpteur Kenneth Martin. Née en 1907 en Angleterre, elle rencontre Kenneth Martin au Royal College of Art et l'épouse en 1930. Exposée à partir de 1934, et principalement connue pour ses paysages et ses natures mortes, elle commence à enseigner le dessin et le design à la Chelmsford School of Art en 1941 mais abandonne son poste trois ans plus tard quand elle tombe enceinte de son premier enfant. Parallèlement à la carrière de son mari, elle se dirige vers l'abstraction pure à la fin des années 1940. En 1950, elle peint sa première image abstraite et se spécialise dans les monochromes blancs géométriques. Elle joue avec l'ombre et la lumière creusant des formes carrées, parfois réflexives, créant des compositions harmoniques. Malgré tout son talent, Mary Martin a peiné jusqu'à sa mort à ce que son oeuvre soit reconnue pour elle-même, et non comme une extension de celle de son mari.
Pionnière parmi les photographes surréalistes, Germaine Krull reste pourtant peu étudiée et connue comparée à ses confrères tels que Man Ray. Née en 1897 dans l'Empire allemand (l'actuelle Pologne), elle vit une enfance chaotique, puis part à Munich étudier la photographie. Elle fréquente la bohème munichoise et rencontre un anarchiste russe qu'elle épouse en 1919. Suite à l'assassinat d'un dirigeant politique, elle est arrêtée, condamnée à mort mais parvient à s'enfuir pour Berlin. Là-bas, elle fréquente les dadaïstes et les expressionnistes et poursuit son travail photographique avant de rejoindre les Pays-Bas où elle fait une série de photos de structures métalliques et de docks dans cette ville en pleine mutation. Arrivée à Paris en 1925, elle continue de nourrir sa fascination pour la photo d'architecture et pour l'art industriel avant de collaborer à la Nouvelle Revue Française et à d'autres publications.
Précurseur du photojournalisme, Germaine Krull a longtemps vécu en Asie du Sud-Est où elle a pris des milliers de clichés de sites et monuments bouddhistes, dont certains ont servi dans un livre de son ami André Malraux. Si Germaine Krull est l'une des femmes photographes les plus célèbres, son travail a été peu étudié par rapport à celui de ses contemporains. Il n'a pas non plus fait l'objet de nombreuses expositions. La dernière a eu lieu au Jeu de Paume en 2015.
Rendez-vous les 16 et 17 septembre au Journées du Matrimoine. Organisées en parallèle des traditionnelles Journées du Patrimoine, elles souhaitent "revaloriser l'héritage artistique et historique des créatrices qui ont construit notre histoire culturelle".
Au programme de cette 3e édition, 5 parcours urbains, 2 expositions parmi lesquelles une consacrée aux "Femmes de l'ombre". Mais aussi 3 visites dans les pas des femmes architectes et 3 visites hors de Paris.
Plus d'informations sur le site des Journées du Patrimoine.