C'est dit : les César suspendront désormais tout membre mis en cause par la justice.
Une décision historique dans le cadre de cette 50e cérémonie qui se tiendra le 28 février à l’Olympia. Et qui s'envisage comme une réponse concrète au mouvement #MeToo, et plus encore aux prises de position fortes d'Adèle Haenel. Adèle Haenel, qui avait quitté ladite cérémonie en criant "La honte !" suite au sacre de Roman Polanski en 2020.
C'était hier. Pour que les lignes bougent un peu (paradoxe : les femmes cinéastes ne sont pas forcément les bienvenues cette année !), il a fallu attendre cinq ans. Et autant d'années d'engagements des comédiennes, brisant le silence sur les violences sexistes et sexuelles subies. Des longs témoignages de Judith Godrèche, bien sûr, à la prise de parole d'une Sara Forestier, en passant par Anna Mouglalis... Et le soutien affirmé à "celles qui parlent" d'autres comédiennes, aux voix rares mais fortes, comme Alexandra Lamy ou Noémie Merlant, affirmant de façon sonore leur défense du mouvement #MeToo.
Mais où sont les hommes ?
On s'interroge. Certes, lors de ses premières révélations, François Civil avait affiché publiquement son soutien à Judith Godrèche. Des acteurs comme Daniel Auteuil, également, n'hésitent pas à exprimer leur admiration envers celles qui parlent - comme lorsque son ex compagne Emmanuelle Béart brise le silence sur le fléau de l'inceste. Mais les propos se font rares.
Ce qui rend d'autant plus précieuse cette déclaration très punchy d'un certain... François Cluzet. L'interprète Césarisé est revenu sur les ondes d'Inter sur la récente décision des César, et la position à adopter face aux artistes accusés de violences - sexistes, sexuelles, conjugales... Et ce avec un franc parler qu'on lui connaît bien.
Séparer l'homme de l'artiste ? Pour François Cluzet, c'est NON.
Face à Nagui, il s'explique...
"L'artiste moi je m'en fous ! C'est l'homme qui compte !", tacle d'office l'acteur. Fustigeant : "Qu'un auteur comme Louis-Ferdinand Céline soit un génie, je m'en fous, c'était un enfoiré de première. Quand on dit tellement de conneries, qu'on fait tellement de mal... Quelqu'un qui n'a jamais été dégueulasse, c'est avant tout ça qui prime, mais m*rde quoi ! Contrairement à ce que disent plein de grands intellectuels"
Celui dont la réplique tutélaire des Petits Mouchoirs est devenue virale sur les réseaux sociaux (le fameux "Je suis quand même le parrain de ton fils" parodié par le Palmashow) s'est exprimé avec le plus grand sérieux à propos du fameux adage de l'homme, de l'artiste, tant employé quand il s'agit d'aborder #MeToo, les agresseurs, la cancel culture...
Le débat est celui-ci : faut-il vraiment boycotter - c'est à dire, "cancel", annuler - l'oeuvre d'un artiste accusé ou condamné pour violences ? Quitte à faire valser dans l'oubli une entière carrière ? Beaucoup rétorquent : non. Mais cela équivaut parfois à minimiser la parole des victimes ou la gravité des accusations. Et surtout : à rendre la réflexion trop réductrice. François Cluzet semble en avoir conscience.
Son coup de gueule volcanique fait beaucoup réagir.
"François Cluzet lâche les chevaux contre celles et ceux qui ont "du mal à se positionner" sur la décision de l’académie des César "d’écarter de la cérémonie toute personne mise en cause « pour des faits de violences »". Et il va même au-delà. Et ça fait du bien !", se réjouit la docteure en histoire contemporaine Elodie Jauneau. Historienne, féministe, et vice présidente du mouvement de libération de la parole MeTooMedia...
Au diapason, d'autres opinions s'expriment sur TikTok.
"Il dit les termes !", "c'est le premier que je n'entends pas bégayer à ce sujet", peut-on lire sur le réseau social, en commentaires de l'extrait partagé de La bande originale. "François Cluzet est un homme de courage et de véritable engagement qui ne ferme pas les yeux sur les immondices", défend un internaute convaincu par le comédien.
On a d'ailleurs dédié une enquête à cet enjeu polémique : faut-il boycotter les artistes problématiques ? En rappelant que la facette intellectuelle du débat, qui peut participer à sacraliser l'artiste, ne doit pas encourager à éluder sa dimension... Humaine. Autrement dit, remettre l'église au milieu du village en rappelant la réalité des violences patriarcales.
Cette question-là, elle s'est beaucoup posée tout récemment avec la projection, finalement annulée, du Dernier tango à Paris à la Cinémathèque. Film où flamboie Maria Schneider, victime de violences sexuelles sur le tournage. On vous détaille dans cet article tous les tenants et aboutissants de cette controverse.
"Cluzet dit surtout que quelle que soit l'œuvre, personne n'est à déifier au point d'en ignorer ou négliger l'humain qui se cache derrière !", "Woah c’est tellement RARE d’avoir ce genre de discours !", lit-on encore en parcourant les réactions. Rappelons que François Cluzet est rarement resté insensible aux luttes féministes contre l'omerta et les violences, quelles qu'elles soient.
On connaît naturellement ses propos sensibles au sujet du féminicide de Marie Trintignant, dès l'époque-même où le terme de "féminicide" justement était totalement absent de la presse hexagonale...