Le #MeToo Kit. C'est le nom de ce produit destiné aux victimes d'agressions sexuelles. Il permet, outils et instructions à l'appui, de pratiquer des tests "à domicile" afin de collecter ses propres données médico-légales - des échantillons d'ADN par exemple. L'idée de son instigatrice Madison Campbell ? Donner aux victimes qui n'osent pas se rendre à la police ou dans un établissement médical le moyen de recueillir des preuves à l'encontre de leur(s) agresseur(s). Encore loin de débarquer sur le marché (sa sortie est prévue pour le printemps 2020), cette trousse suscite déjà toutes les controverses.
La raison ? Elle est plutôt simple. "Cette start-up essaie sans vergogne de tirer un avantage financier du mouvement #MeToo en incitant les victimes à penser qu'un kit d'agression sexuelle à faire soi-même à la maison sera utilisé devant les tribunaux", déplore le procureur général du Michigan, Dana Nessel, qui tient à rappeler qu'une collecte d'échantillons ADN "faite maison" est inutilisable devant la loi. De plus, précise l'érudit, la victime pourrait tout à fait être soupçonnée d'avoir falsifié ladite trousse. Ainsi, tout avocat de la défense se demandera plutôt pourquoi la victime n'est pas allée dans un hôpital pour se faire examiner par un professionnel. De quoi ériger le "MeToo kit" en "fausse bonne idée" du mois...
De fait, des procureurs aux défenseurs de victimes d'agressions sexuelles, d'aucuns ne cachent effectivement pas leur réticence à l'égard de cette trousse déjà tant décriée. C'est par exemple le cas de la conseillère juridique Monica Beck, pour qui les preuves potentiellement recueillies dans cette situation seraient inutiles d'un point de vue juridique, et, pire encore, exposeraient les victimes à d'autres problématiques. "Imaginez ce que les avocats de la défense feraient avec des preuves recueillies à la maison... Franchement, il est déjà assez difficile pour les survivantes d'obtenir justice, et cela ne fait que rendre les choses encore plus difficiles", s'attriste-t-elle du côté de CNN.
Les professionnels médico-légaux, quant à eux, tiennent à rappeler que les examens approfondis effectués dans le cas d'une agression dépassent le "simple" processus de "collecte d'ADN". L'infirmière légiste Julie Valentine le déclare encore au média américain : "Si certaines victimes pensent pouvoir collecter des preuves seules à la maison, non seulement elles recueillent des preuves qui ne sont ni admissibles ni utiles, mais, de plus, elles ne bénéficieront pas non plus des soins de santé ou de l'aide nécessaire à la défense des victimes". Le "do it yourself" est donc largement déconseillé en de telles circonstances.
Ces très nombreux désaccords, Madison Campbell, qui annonce avoir fait l'objet de menaces et de pressions diverses depuis la médiatisation de son produit, y rétorque d'une façon plutôt apaisée. L'entrepreneuse nous assure que ce kit, moins coûteux à la lire "qu'un trajet en Uber vers l'hôpital", n'a rien d'opportuniste. La trousse est avant tout destinée à soutenir "les survivantes d'agression sexuelle qui sont restées silencieuses", et n'auraient pas la force de faire appel aux autorités ou à un médecin. De plus, l'instigatrice du kit se dit prête à en changer le nom, face aux voix qui fustigent cette réappropriation commerciale du mouvement #MeToo.
Tel que le précise le site Hello Giggles, ce produit nous est présenté comme un moyen, accessible à toutes et à tous, de sensibiliser les consommateurs aux agressions sexuelles et à leur traitement, et bien plus encore : "C'est un symbole, plein d'espoir, de protection et de dissuasion contre les agressions", développe en ce sens l'entreprise au gré d'une Foire aux Questions. Mais ces explications sont loin de convaincre tout le monde.