Marco Ferreri, Roman Polanski, Alain Corneau, Claude Sautet, André Téchiné, Jean-Luc Godard, Bertrand Blier, Coline Serreau, Bertrand Tavernier... On pourrait ad lib continuer cette liste : celle des cinéastes dont Alain Sarde a produit un ou plusieurs films. Alain Sarde, c'est un grand nom parmi les producteurs français, et un demi siècle de carrière. Mais à la veille du Festival de Cannes, une enquête bouscule cette envergure.
Car le magazine ELLE vient de dévoiler une dense enquête, constituée de neuf témoignages - neuf femmes, accusant le célèbre producteur de 72 ans de violences sexuelles. Violences, autrement dit : harcèlement, agressions sexuelles mais aussi, viols. Des faits qui se seraient produits entre 1983 et 2003. Parmi les témoignages, ceux... De femmes mineures à l'époque.
Comme souvent dès qu'il est question d'agressions et de prédation présumées au sein du milieu médiatique et artistique (voir "l'affaire PPDA"), ces paroles témoignent d'un contexte qui se répète : elles prennent toujours place dans le cadre de "rendez-vous professionnels" organisés par le producteur.
Une femme explique qu'en 1990, Alain Sarde lui aurait imposé une fellation dans les locaux de sa boîte de production, "avant de s'essuyer avec un mouchoir". Une actrice relate un viol au domicile du producteur en 1985 : "Il m'a poussée sur le lit et m'a sauté dessus. Je me souviens très bien de ses lèvres, de sa bouche dégueulasse. Je sens encore la pression de son corps sur le mien. Il m'a maintenue et m'a violée."
A l'origine du rendez vous ? La proposition d'un rôle. Mais ce n'est pas tout.
Autre parole ? Celle d'une autre comédienne, qui relate une tentative de viol qui aurait pris place au domicile d'Alain Sarde, dans le cadre d'un rendez vous professionnel, pour un rôle (chez Jean-Luc Godard) : "Il m'a proposé des chocolats. Soudain, il m'en a fourré un morceau dans la bouche, tout en me renversant en arrière et en se vautrant sur moi". Lors de sa fuite, Alain Sarde aurait insulté l'actrice, s'exclamant : "salope".
"Il m'a expliqué que si je voulais percer dans le cinéma, je devais être gentille avec lui. Je n'avais pas le choix, je me sentais coincée. J'étais paralysée par la peur, il en a profité pour me violer brutalement par derrière. Je me suis sentie fautive, comme si c'était moi qui m'étais jetée dans la gueule du loup", témoigne une autre victime présumée, une comédienne qui à l'époque était âgée de 15 ans seulement. Une autre actrice, qui a accepté de dévoiler son nom (Laurence Côte), l'assure : "Nous, les actrices, nous n'étions que de la chair fraîche. Les producteurs avaient sur nous un pouvoir de vie et de mort".
En 1997, Alain Sarde avait été mis en examen pour viol et tentative de viol, avant de bénéficier d'un non-lieu. Le principal concerné dément aujourd'hui ces témoignages, par le biais de la parole de son avocate : "Alain Sarde est indigné et anéanti par ces allégations, toutes mensongères, qui lui prêtent des comportements qu'il réprouve et qui lui sont totalement étrangers".