Tout a commencé au milieu des vignobles, sa passion. Après des études dans la viticulture oenologique et 10 ans dans les vignes biodynamiques, Guillaume Bodin a été saisi d'un déclic : "Je voulais faire avancer les choses, expliquer le bio autour de moi. Et il y a eu des traitements insecticides obligatoires en Bourgogne. Nous, vignerons, en avons pris plein la tête et cela m'a donné envie de faire mon premier documentaire Insecticides mon amour."
Adhérent depuis de nombreuses années auprès des associations Générations Futures ou Bio Consom'Acteurs, le vigneron militant de 31 ans se lance dans les réalisations de petites vidéos pédagogiques pour faire connaître l'initiative "Zéro Phyto 100% Bio" auprès des élus et chefs de cantines. Objectif ? Les amener à "changer de paradigme" en bannissant les pesticides des espaces publics et en privilégiant les produits bio dans les cantines. Finalement, Guillaume Bodin voit encore plus loin : il part sillonner la France à la recherche de ces communes vertueuses qui n'ont pas attendu la loi Labbé (entrée en vigueur le 1er janvier 2017), pour interdire l'usage des pesticides dans les espaces publics.
Le documentaire résolument positif de Guillaume Bodin recense ainsi les initiatives et donne la parole à ces acteurs locaux qui se sont mis au vert. On peut y voir Damien Carême, maire pionnier de la ville de Grande-Synthe (Nord). Jardins partagés au pied des immeubles, "ateliers du partage" pour redistribuer les surplus de récoltes, développement des espaces verts... L'élu EELV est l'une des figures de proue de la transition écologique appliquée au niveau territoriale. Autres exemples mis en valeur : les cimetières végétalisés à Versailles, le formidable réseau Bruded en Bretagne qui met en relation les élus pour partager leurs expériences de développement durable, la commune bretonne de Langouët qui développe des maisons écolo pour les plus modestes et nourrit les enfants à la cantine avec des produits bio fournis par les producteurs locaux. Autant de jolis modèles qui démontent le caractère "utopique" d'une France débarrassée des poisons phytosanitaires (la France reste le plus gros consommateur européen de pesticides) et où le bio aurait été banalisé.
Car l'urgence est là. Une étude datant de 2010 avait révélé l'analyse des aliments composant les repas types d'un enfant de 10 ans. Résultat : "128 résidus chimiques représentant 81 substances chimiques différentes dont 47 substances différentes cancérigènes et 37 perturbateurs endocriniens suspectés ont été identifiés en une seule journée."
Armé de son documentaire pédagogique, le jeune réalisateur ira prêcher la bonne parole au cours de 130 avant-premières jusqu'en avril. Avec toujours en ligne de mire cette volonté d'expliquer, de rassurer, d'encourager. "Le but est d'aller dans les petites communes, les grandes villes, dans les petits villages pour sensibiliser. On arrive à avoir un impact sur l'ensemble du territoire français puisque les associations comme les 'acteurs' du film sont présents un peu partout."
Guillaume Bodin : L'utilisation des pesticides n'arrête pas d'augmenter en France à part ces trois dernières années où elle a stagné alors que normalement, elle aurait dû diminuer grâce au plan Ecophyto (celui-ci devait mener à une réduction de moitié de l'usage des pesticides à l'horizon 2018- Ndlr). Le but du film est de montrer que l'on peut réduire l'utilisation des pesticides à travers l'alimentation en restauration collective. Le problème, c'est que l'on passe par un biais : on sait qu'on ne gagnera pas face aux agriculteurs car les lobbies sont très présents, notamment sur l'arrêt des pesticides en ville. Mais au travers de la consommation, nous pouvons réussir à faire changer les choses : à un moment donné, si cela ne se vend plus, il y aura du changement.
En France, nous ne sommes qu'à 3,2 % d'alimentation bio en restaurant collective, c'est donc relativement faible. Alors que ce 31 janvier 2018, le gouvernement Macron dépose un projet de loi issu des Etats généraux de l'alimentation, qui prévoit notamment d'introduire 50% de produits bio ou locaux dans les cantines. On peut espérer que cela fasse avancer les choses.
C'est l'un des arguments que l'on démonte dans le film. Sur des décisions communales et municipales, c'est l'un des prétextes qui revient le plus souvent : "On ne veut pas faire de bio dans les cantines car cela revient à plus cher". Or, on démontre que si l'on réfléchit de manière globale, notamment en évitant le gaspillage alimentaire ou en introduisant des protéines végétales plutôt qu'animales, on arrive à équilibrer les coûts et donc à ne pas faire plus cher. Sur la restauration collective, c'est prouvé.
J'aime bien l'action de Christine Viron sur le département de Savoie-Haute-Savoie, qui a mis en place une structure logistique pour mettre en relation les producteurs et les chefs de cuisine. C'est un modèle à reproduire.
A Laurenan dans les Côtes-d'Armor, la maire a réussi à discuter avec des habitants du village pour essayer de les motiver à venir aider les employés municipaux à entretenir les cimetières et les plate-bandes. Dans ce genre de petites communes, il y a souvent un manque de moyens et la commune appartenant à tout le monde, pourquoi ne pas demander aux habitants qui ont un peu de temps de venir désherber manuellement plutôt que d'employer des pesticides ? C'est un joli modèle.
Il y a aussi aussi le réseau Bruden en Bretagne qui met en relation des élus avec d'autres élus, des chefs de cantine avec d'autres chefs de cantine. Un réseau de partage d'expérience des collectivités bretonnes qui s'engagent dans des réalisations concrètes de développement durable.
Chez les agriculteurs, il peut y avoir de pressions familiales, des traditions qui prennent du temps à changer. Il y a aussi la pression intense des lobbies, notamment au Parlement européen à Bruxelles. Il y a 30 000 lobbyistes pour 24 000 fonctionnaires. C'est fou ! Et ils le disent clairement, ils sont accostés tous les jours par des lobbyistes qui sont à l'intérieur même du Parlement et leur disent qu'ils se trompent en voulant supprimer les pesticides. Tout est fait pour que cela ne change pas, avec un syndicat majoritaire, la FNSEA, qui n'est pas contre le bio mais pas tout à fait pour non plus...
Les pays de l'Union européenne ont voté en novembre 2017 le renouvellement pour cinq ans du glyphosate. Un signal pas franchement positif pour l'avenir.
On s'y attendait... On ne se faisait guère d'illusions sur le fait qu'il puisse y avoir une suppression directe. On attend soit-disant un remplaçant, alors que cette alternative, on l'a tous, c'est l'agriculture biologique qui n'utilise pas de glyphosate depuis toujours. Dans le modèle agricole tel qu'il a été conçu aujourd'hui, l'utilisation du glyphosate fait partie des pratiques car c'est plus rapide. Malgré tout, on le voit dans l'interdiction des pesticides en ville, lorsqu'il y a une loi, les communes arrivent à totalement se passer de ce type de produit.
Je suis assez content que cela soit lui car au moins, on a un vrai représentant qui a été militant pendant quelques années, qui connaît bien son sujet. Et en dépit des critiques que l'on peut lui faire, cela aurait pu être quelqu'un d'autre. Entre Stéphane Travert (actuel ministre de l'Agriculture) et Nicolas Hulot, je préfère largement Nicolas Hulot ! Je n'aimerais pas du tout être à sa place, il doit subir beaucoup de tensions.
Oui, complètement. Je fais des documentaires par militantisme et pas pour devenir riche (rires). Dans l'avenir, je me vois plus sur un domaine viticole qu'à faire des documentaires. Mais le but, c'est d'avoir ce genre de films à disposition, que l'on puisse en discuter et c'est pour cela que j'accompagne autant le film.
Après une projection à Versailles devant 300 personnes, le maire François de Mazières a décidé de faire passer la cantine scolaire de 1% de bio à 20% cette année.
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- Livres hautement recommandés
Zéro phyto 100% bio, un documentaire de Gullaume Bodin, sortie le 31 janier 2018 au cinéma