Pour Anna Calvi, la musique est à l'image de la vie : un vaste terrain de jeu pour le "je". Et elle n'aime rien tant qu'interroger cette identité mouvante et expérimenter de nouveaux sons. L'autrice-compositrice et interprète britannique a ainsi sorti en 2018 un superbe album, Hunter, intense et rageur, accompagné d'un "manifeste queer" dans lequel elle explique vouloir sonder tous les recoins de ces différentes identités sexuelles, empruntant des chemins de traverse et débordant en dehors des clous normés de la société patriarcale.
"Cet album est la recherche de quelque chose – une volonté d'en avoir toujours plus, de vivre des expériences, d'agir, de revendiquer sa liberté sexuelle, d'avoir son intimité, de dépasser les genres, de se sentir puissante, de se sentir protégée et trouver quelque chose de beau dans tout ce bazar", écrit-elle.
Anna Calvi est à l'affiche du 22e édition de l'excellent festival 100% féminin Les Femmes S'en Mêlent, qui se tient du 4 au 6 avril à Paris. L'occasion de la questionner sur ses inspirations, sa lutte permanente contre les injonctions et sur ces carcans qu'elle tient tant à pulvériser.
Anna Calvi : Pour moi, cela veut dire ne pas avoir à se définir. Cela parle du fait de ne pas se sentir appartenir à cette culture hétéronormée.
Tu as confié avoir été dans un "schéma féminin classique" avant cet opus. Comment as-tu découvert d'autres formes d'expression ?
A.C. : Ma musique a toujours été sans genre précis. Mais dans ma vie quotidienne, je me suis sentie restreinte par les limites d'avoir à "jouer" mon genre. Ce disque parle de creuser plus profondément et d'explorer mon androgynie. J'ai utilisé ma voix et ma guitare comme des moyens de casser toutes les formes de contraintes que j'ai pu ressentir. Jouer et chanter est une expérience très viscérale pour moi.
A.C. : Je trouve que les femmes ne sont pas assez dépeintes et représentées comme les humains aux multiples facettes qu'elles sont dans la vraie vie. C'est ce que je veux faire.
A.C. : Oui, bien sûr !
A.C. : J'admirais ma mère car elle a toujours été très forte et déterminée. Et j'admirais David Bowie !
A.C. : Patti Smith, Grace Jones et Maria Callas m'ont toutes beaucoup inspirée. Elles ont toutes une telle volonté et une telle vision de leur travail. Je suis très inspirée par la force de travail de Maria Callas, très inspirée aussi par la façon dont Patti Smith et Grace Jones se sont appropriées leur sexualité et l'ont utilisée comme une forme active et puissante pour pousser leur créativité.
A.C. : Le fait que cela soit maintenant un sujet de discussion et que cela soit dans les consciences est formidable. Mais il en faudra encore beaucoup plus pour changer fondamentalement les choses. Nous devons défier les rôles genrés auprès des enfants que nous élevons.
A.C. : Seulement lorsque les gens me demandent ce que cela fait d'être une femme musicienne. Comme si la créativité des femmes était une anomalie exotique.
A.C. : Je suis incroyablement émue par Perfume Genius (nom de scène de l'auteur-compositeur-interprète américain Mike Hadrea- ndlr). J'adore aussi I'Australienne Courtney Barnett.
A.C. : J'aime écouter Walking In The Rain de Grace Jones quand je veux me sentir puissante. Elle est tellement triomphante.
Anna Calvi, album Hunter
En concert le 4 avril 2019 au Trabendo dans le cadre du Festival Les Femmes s'en mêlent à Paris