Londres, 1941. Fraîchement débarquée dans la ville de Big Ben, Emmy Lake ne rêve que d'une chose : devenir reporter de guerre. Alors que les bombardements se multiplient dans les rues de la capitale d'Angleterre, la jeune femme passe toutes ses nuits au standard téléphonique de la caserne des pompiers. La journée, elle épluche les petites annonces dans l'espoir de débusquer le job de ses rêves.
Son souhait le plus cher est exaucé le jour où elle tombe sur une offre du prestigieux London Evening Chronicles, et pour laquelle elle ne tarde pas à décrocher le poste. Mais la mission d'Emmy se révèle bien éloignée de l'idée qu'elle se fait du métier de journaliste : son travail consiste en réalité à répondre au courrier du coeur pour un magazine féminin sur le déclin, Woman's Friend, géré par l'inflexible et très puritaine rédactrice en chef Henrietta Bird.
Emmy est chargée de donner des conseils aux lectrices, en évitant soigneusement d'aborder tout ce qui concerne de près ou de loin la guerre et les relations amoureuses. Tenace, la jeune femme est cependant loin d'avoir dit son dernier mot... n'en déplaise à Mrs Bird.
Avec Chère Mrs Bird, l'auteure britannique AJ Pearce signe son premier roman, qui nous offre un récit empreint de fraîcheur, ainsi que d'éléments historiques étonnants de précisions et d'authenticité. Le tout agrémenté d'un humour bien british et d'une touchante ode à l'amitié et au courage dont les femmes ont fait preuve pendant la Seconde Guerre mondiale.
Rencontre avec une auteure de talent, ancienne directrice marketing, qui a eu le courage de se reconvertir pour se lancer à plein temps dans l'aventure vertigineuse de l'écriture.
AJ Pearce : Je collectionne depuis longtemps les magazines, en particulier ceux qui datent des années 40. Nous avons tous grandi avec des magazines. Je pourrais retracer ma vie entière grâce aux magazines. Un jour, je suis tombée sur un magazine féminin. Quand j'ai eu ce vieux magazine entre les mains, il y avait quelque chose de vraiment familier pour moi.
C'était juste après la guerre, mais je pouvais relier beaucoup d'éléments que je connaissais de cette période rien qu'en le parcourant. Il y avait beaucoup de conseils sur la mode, la beauté, mais aussi une rubrique "problèmes". J'ai été frappée par les commentaires moralisateurs qui étaient donnés. C'est à peine si une jeune femme pouvait dire bonjour à un jeune inconnu dans la rue !
Cela m'a inspiré la rubrique courrier du coeur de Woman's Friend, dans mon livre, que Emmy doit prendre en charge. Je me suis donc amusée à montrer le contraste qui existait entre cette jeune génération de l'époque- qui m'a toujours fascinée- et les générations précédentes, si conservatrices.
AJ.P : J'ai commencé par lire une centaine de magazines de l'époque. J'ai également parlé avec des personnes qui ont vécu à cette période et qui m'ont fait part de leurs souvenirs. J'ai par exemple rencontré une femme qui a travaillé dans la caserne de pompiers où Emmy passe toutes ses nuits. Elle m'a raconté beaucoup d'anecdotes et donné beaucoup de détails sur comment elle avait vécu cette période, ce qui m'a permis de nourrir mon roman et de donner voix à mes personnages féminins qui travaillent à la caserne. J'ai vécu à Londres plusieurs années, je connais donc plutôt bien la ville, ce qui m'a également aidée.
AJ.P : J'aurais aimé être aussi courageuse qu'Emmy, surtout si j'avais vécu à la même période ! Mais non, je ne pas dirais que c'est autobiographique, car même au niveau professionnel, mon expérience reste assez éloignée de la sienne. Sauf peut-être en ce qui concerne l'histoire d'amitié : cet aspect a été facile à écrire car j'ai moi-même la chance d'avoir des amies de longue date, à qui je peux tout dire et sur qui je pourrai toujours compter. Nous sommes comme des soeurs, un peu comme Emmy et Bunty le sont dans mon roman.
AJ.P : Loyale, généreuse et courageuse.
AJ.P : Je ne dirais pas que Chère Mrs Bird est un roman politique, mais je pense qu'il a effectivement une portée féministe, puisque j'y parle de femmes à qui on a demandé de faire marcher le pays pendant que les hommes étaient à la guerre. Elles avaient enfin le pouvoir, leur voix était enfin entendue. Mes personnages sont de véritables héroïnes, car les femmes de cette génération étaient des héroïnes. Mon livre est donc un hommage à leur force, leur action, leur courage et leur volonté.
AJ.P : Oui, je pense que c'est avant tout une histoire sur l'amitié.
AJ.P : Il y en a beaucoup, surtout ceux des années 1930-1940. Winifred Watson [Live for days], Angela Thirkell, [High Rising], et plus récemment, Eleanor Rees, auteure de Honey Moon. Ces écrivaines ont toutes ce talent en commun d'être drôles en adoptant un ton léger, tout en racontant une histoire puissante et riche en émotions, qui va parfois jusqu'à vous briser le coeur.
AJ.P : Je suis effectivement en train d'écrire la suite de Chère Mrs Bird, où l'on retrouvera Emmy et Bunty, bien sûr... Mais je ne peux vraiment pas vous en dire plus !
Chère Mrs Bird, AJ Pearce, Éditions Belfond, 21 euros