Une jeune fille sans âge est prostrée sur le canapé. Elle gesticule. L'oeil de la caméra est braquée sur son désordre. Une voix douce s'adresse à elle : "On va vivre chacune notre vie, c'est dur mais c'est comme ça".
Le film Pénélope mon amour commence par la fin. Ou du moins au début d'une autre vie. Pénélope a 18 ans, elle est porteuse d'autisme et atteinte du syndrome de Rett, une maladie génétique féminine rare qui provoque un handicap mental et des atteintes motrices sévères. Et pour la première fois, sa mère, la réalisatrice Claire Doyon, décide de lâcher prise et de la placer en hôpital de jour. Elle a perdu la guerre, une bataille acharnée contre cette maladie "monstrueuse" qu'elle a documentée.
Car depuis sa naissance, Claire Doyon filme sa fille, dont elle n'a perçu la différence qu'à ses deux ans. De ces centaines d'heures de rushes, la cinéaste a décidé de retracer le fil de leurs vies bousculées par le handicap, ses propres trajets intérieurs, ses réflexions les plus intimes.
"Dès le départ, je filmais avec une autre intention que le film de famille. Je filmais parce que je n'arrivais pas à sauver ma fille. Je filmais l'impasse dans laquelle je me trouvais, la réalité contre laquelle je me cognais. J'ai voulu dessiner la trajectoire d'un personnage qui traverse des étapes, comme dans un film de fiction."
Claire Doyon raconte son "obsession" à vouloir absolument apprendre à sa fille qui désapprend, son acharnement à chercher des solutions alors que des spécialistes lui avaient conseillé de "faire le deuil de son enfant", ses consultations de New York jusqu'à la frontière sibérienne. La réalisatrice décrit, mois après mois, année après année, l'obstination d'une maman tenue par un espoir insensé, arrimée à l'attente d'un miracle qui n'arrivera jamais.
Scrutant les mains qui dansent et le corps de sa fille "punk" qui n'obéit à aucune norme, la mère réalisatrice s'interroge face au vertige : "Quelle est la valeur d'une vie ? Quelle est la valeur de l'amour ?"
Frontal, parfois brutal, mais aussi poétique et poignant, Pénélope mon amour se regarde comme un journal intime filmé de l'impuissance, celui d'une mère en souffrance qui chemine vers l'acceptation de l'inacceptable. En filigrane, son documentaire infiniment personnel interroge notre regard "normopathe" face aux personnes porteuses de handicap et la solitude des aidant·e·s éprouvé·e·s. Un document bouleversant qui touche en plein coeur.
Sortie au cinéma le 12 octobre 2022