La scène est réelle et se reproduit régulièrement dans des variantes différentes. Je discute avec un parfait inconnu. Intrigué, le regard en forme de points d’interrogation, il me balance :
« Puis-je vous demander votre âge ? »
Ce à quoi je lui réponds, amusée :
« Puis-je vous demander quel âge vous me donnez ?
- Euh, je ne voudrais surtout pas vous vexer… Je dirai, au grand maximum… 35 ans ?
- Ah, vous me vexez en effet terriblement, que j’aime alors répondre en riant. J’en ai 49, donc bientôt la cinquantaine. »
Je ne les fais pas. Il ne s’agit pas, dans cette affirmation, d’user d’une quelconque forme de prétention, mais plutôt d’une simple lucidité. Je n’ai pas de rides. Le coin de mes yeux est lisse comme celui d’une jeune femme que je ne suis pourtant plus. Je porte depuis toujours les cheveux longs, bouclés, et mon style vestimentaire ainsi que mes nombreux chapeaux ont tendance à attirer d’instinct les regards quand je me promène dans les rues de ma grande ville. Je ne cherche pourtant pas consciemment à plaire, mais plutôt à ME plaire. Il n’est pas rare que je me fasse draguer par des hommes dont je pourrais être la mère. Vantardise ? Non, réalité…
Lorsqu’on me demande quel est mon secret, je réponds que je n’en ai aucun. En fait, jamais je n’ai songé à me protéger des outrages du temps, ça s’est fait naturellement. Le dernier mot de la phrase précédente revêt une importance capitale…
La jeunesse prolongée de mon visage, je la dois sans doute à une certaine aversion pour le maquillage. Lorsque j’étais adolescente, mes copines s’étalaient moult fond de teint et autres artifices colorés qui travestissaient esthétiquement leur image juvénile. Curieuse, j’ai voulu les imiter. J’ai emprunté la trousse de produits de beauté d’une de mes amies, me suis beurrée çà et là, et j’ai copieusement détesté le portrait que me renvoyait le miroir. Ce n’était pas moi. Ce bleu sur mes paupières, ce noir sous mes yeux, ce rouge trop criard sur mes lèvres me donnaient l’impression de me muer en clown. J’ai vite nettoyé ce carnage et renoué avec moi-même. Et je me suis promis de ne plus jamais recommencer.
Puis je suis devenue adulte. Les hommes qui ont traversé ma vie et partagé mon logis s’étonnaient de mon temps record d’utilisation de la salle de bains. Et s’en réjouissaient également. Quelques minutes pour prendre ma douche, et hop, dehors ! Pas de longues séances de coloriage pendant que monsieur se tord derrière la porte, victime d’une foudroyante envie pressante, pas une seule minute gaspillée pour dompter ma volumineuse crinière.
Depuis toujours, je lave mon visage à l’eau claire sous la douche, sans savon. Je n’utilise pas de démaquillant puisque je ne me maquille pas. On me rétorquera que dans notre environnement actuel, ledit démaquillant permet également de se débarrasser des impuretés incrustées par la pollution atmosphérique. Ah ? Dans ce cas, pourquoi ne démaquillons-nous pas l’intégralité de l’épiderme de notre corps qui en souffre tout autant ? Ma peau serait-t-elle plus heureuse de se faire agresser à grands coups de produits chimiques tamponnés directement sur elle quotidiennement ? Je n’en sais rien, je ne suis pas spécialiste en ce domaine. La seule chose que je constate, c’est que des décennies de non-utilisation de ce qu’ils appellent des produits de beauté n’ont pas altéré la mienne, bien au contraire.
La très grande majorité des hommes que je séduis me confessent ne pas aimer les « pots de peinture », préférer de très loin les femmes naturelles. D’autres me disent qu’ils n’ont pas d’opinion sur ce sujet, qu’en fait, ils s’en fichent. Les femmes, trop souvent, se laissent influencer par les magazines et pensent qu’il leur faut suivre leurs directives pour plaire aux hommes. Toutefois, en discutant ouvertement avec ces messieurs sur leurs réels critères de beauté féminine, on en déduit que leur regard s’illumine et leurs mains jubilent bien davantage au contact de formes plantureuses et à l’allure naturelle que devant ce que certains nomment un sac d’os bariolé. Une femme devrait décider si elle souhaite se maquiller ou non en ne se référant qu’à l’appréciation toute personnelle de l’image que lui renvoie son miroir. Elle saura toujours séduire les hommes à partir du moment où elle s’acceptera telle qu’elle est et se plaira à elle-même. Le maquillage n’est qu’un artifice, banal de surcroît.
- Je protège ma peau, l’empêche de s’altérer prématurément
- Je n’encourage pas la torture des animaux lors des tests par l’industrie pharmaceutique
- J’économise une petite fortune que je peux ainsi investir dans des tenues vestimentaires originales
- J’allonge mes nuits de la durée nécessaire à d’autres pour se pomponner
- Je gagne en confiance en moi en m’acceptant telle que je suis et en sachant que je peux séduire sans user d’artifices chimiques.
- Monsieur (quand j’en veux un) m’adore parce que je ne squatte pas la salle de bains.
Béatrice André
Et vous, que pensez-vous du maquillage ? Etes-vous naturelle ou préférez-vous vous maquiller, même un peu ?