Les questions de mixité, de parité et d’égalité salariale ont beau être de mieux en mieux prises en considération dans les entreprises françaises, la question de la conciliation entre sphères professionnelle et privée reste encore un problème essentiellement féminin. C’est ce que met en lumière une enquête réalisée par le Centre d’études de l’emploi (CEE) parue mercredi 26 novembre. Commandée par l’administration de la fonction publique (DGAFP), l’étude se base sur une série d’entretiens réalisés auprès de cadres à Bercy et dans les ministères sociaux (Santé, Travail et Affaires sociales, Ndr). Et le résultat est sans appel : même très diplômées, les femmes de cadres assument quasiment l’exclusivité des charges familiales et désinvestissent la vie professionnelle pour devenir une « femme exceptionnelle » au service de la carrière de leur conjoint. Les hommes, au contraire, « ne modifient leurs arrangements conjugaux que lorsque leur couple est en danger ou qu’ils éprouvent des déconvenues dans leur carrière ».
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Il est loin des ministères, donc, le mythe du working dad qui réussit à boucler ses dossiers avant 19 heures pour dîner en famille et lire une histoire à ses enfants. L’enquête montre que la carrière des cadres apparaît bien moins contrainte par les impératifs de la vie familiale. Alors que femmes interrogées soulignent régulièrement l’imbrication de leurs trajectoires professionnelle et personnelle, l’incidence de la vie privée sur la carrière des hommes semble faible. D’ailleurs, souligne l’étude, la planification (ou non) des naissances est totalement détachée du calendrier professionnel des hommes qui se permettent, par exemple, de devenir pères pendant leurs études ou d’avoir plusieurs enfants au même poste.
Au contraire, les femmes ayant participé à l’enquête ont toutes souligné avoir « programmé » les naissances de sorte à éviter d’avoir plus d’ « un enfant par poste » pour ne pas mettre en danger leur vie professionnelle.
Il n’est pas rare non plus que les femmes cadres aient été amenées à décliner, au cours de leur parcours, une sollicitation pour intégrer un cabinet ministériel, en raison de l’extrême disponibilité horaire que ce type de fonction impose.
L’enquête de la CEE montre également que de nombreuses femmes font le choix d’arrêter totalement de travailler au moment de la naissance des enfants. Laurent, un cadre supérieur d’une trentaine d’années témoigne : « Pour l’instant, (ma compagne) reste à la maison parce qu’elle a eu un deuxième enfant depuis et tout ça demande beaucoup de temps, donc bon. Je pense que d’ici quelques mois, elle va reprendre. Mais là, elle a une petite interruption de trois ans. »
Même constat du côté de Christian, cinquantenaire et cadre dirigeant, dont « la femme exceptionnelle » a mis un terme à sa carrière professionnelle après avoir changé plusieurs fois de poste pour le « suivre » dans ses différentes mobilités professionnelles. « Elle a dit : "j’arrête". Et puis, elle avait trois enfants, elle a pris sa retraite au bout de quinze années de service, mais c’était pour elle…Ce n’était pas forcément un sacrifice, elle a géré comme elle le souhaitait. S’occuper de ses enfants, pour elle, c’était très important. »
Selon les résultats de l’enquête, seule la peur de la séparation ou des déconvenues professionnelles poussent les hommes à « un investissement plus fort dans la vie familiale ».
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